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Page:Verne - Le Pays des fourrures.djvu/367

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l’avalanche.

accrue pendant l’hiver, et que le niveau général de l’île ne semblait point s’être relevé au-dessus de la mer. On en conclut donc qu’on ne saurait trop tôt quitter ce sol fragile, qui se dissoudrait rapidement, dès qu’il serait baigné par les eaux plus chaudes du Pacifique.

Vers cette époque, le 25 avril, l’orientation de l’île fut encore une fois changée. Le mouvement de rotation de tout l’icefield s’accomplit de l’est à l’ouest sur un quart et demi de circonférence. Le cap Bathurst projeta dès lors sa pointe vers le nord-ouest. Les derniers restes de banquise fermèrent alors l’horizon du nord. Il était donc bien prouvé que le champ de glace se mouvait librement dans le détroit et ne confinait encore à aucune terre.

Le moment fatal approchait. Les observations diurnes ou nocturnes donnaient avec précision la situation de l’île et, par conséquent, celle de l’icefield. Au 30 avril, tout l’ensemble dérivait par le travers de la baie Kotzebue, large échancrure triangulaire qui mord profondément la côte américaine. Dans sa partie méridionale s’allongeait le cap du Prince-de-Galles, qui arrêterait peut-être l’île errante, pour peu qu’elle ne tînt pas exactement le milieu de l’étroite passe.

Le temps était assez beau alors, et, fréquemment, la colonne de mercure accusait cinquante degrés Fahrenheit (10° centigr. au-dessus de zéro). Les hiverneurs avaient quitté depuis quelques semaines leurs vêtements d’hiver. Ils étaient toujours prêts à partir. L’astronome Thomas Black avait déjà transporté dans la chaloupe, qui reposait sur le chantier, son bagage de savant, ses instruments, ses livres. Une certaine quantité de provisions était également embarquée, ainsi que quelques-unes des plus précieuses fourrures.

Le 2 mai, d’une observation très minutieuse, il résulta que l’île Victoria avait une tendance à se porter vers l’est, et, conséquemment, à rechercher le continent américain. C’était là une circonstance heureuse, car le courant du Kamtchatka, on le sait, longe le littoral asiatique, et on ne pouvait, par conséquent, plus craindre d’être repris par lui. Les chances se déclaraient donc enfin pour les hiverneurs !

« Je crois que nous avons fatigué le sort contraire, madame, dit alors le sergent Long à Mrs. Paulina Barnett. Nous touchons au terme de nos malheurs, et j’estime que nous n’avons plus rien à redouter.

— En effet, répondit Mrs. Paulina Barnett, je le crois comme vous, sergent Long, et il est sans doute heureux que nous ayons dû renoncer, il y a quelques mois, à ce voyage à travers le champ de glace. La Providence nous protégeait en rendant l’icefield impraticable pour nous ».