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les quatre jours qui suivent

posait du rivage même du lagon, que baignaient maintenant les eaux de la mer. Vers la partie supérieure du lagon, une autre cassure se prolongeait jusqu’au littoral compris entre le cap Bathurst et l’ancien port Barnett. L’îlot représentait donc une bande oblongue, d’une largeur moyenne d’un mille seulement.

Des cent quarante milles carrés qui formaient autrefois la superficie totale de l’île, il n’en restait pas vingt !

Le lieutenant Hobson observa avec une extrême attention la nouvelle conformation de l’îlot et reconnut que sa portion la plus épaisse était encore l’emplacement de l’ancienne factorerie. Il lui parut donc convenable de ne point abandonner le campement actuel, et c’était aussi celui que les animaux, par instinct, avaient conservé.

Toutefois, on remarqua qu’une notable quantité de ces ruminants et de ces rongeurs, ainsi que le plus grand nombre des chiens qui erraient à l’aventure, avaient disparu avec la plus grande partie de l’île. Mais il en restait encore un certain nombre, principalement des rongeurs. L’ours, affolé, errait sur l’îlot et en faisait incessamment le tour, comme un fauve enfermé dans une cage.

Vers cinq heures du soir, le lieutenant Hobson et ses deux compagnes étaient rentrés au logement. Là, hommes et femmes, tous se trouvèrent réunis, silencieux, ne voulant plus rien voir, ne voulant plus rien entendre. Mrs. Joliffe s’occupait de préparer quelque nourriture. Le chasseur Sabine, moins accablé que ses compagnons, allait et venait, cherchant à obtenir un peu de venaison fraîche. Quant à l’astronome, il s’était assis à l’écart et jetait sur la mer un regard vague et presque indifférent ! Il semblait que rien ne pût l’étonner !

Jasper Hobson apprit à ses compagnons les résultats de son excursion. Il leur dit que le campement actuel offrait une sécurité plus grande que tout autre point du littoral, et il recommanda même de ne plus s’en éloigner, car des traces d’une prochaine rupture se manifestaient déjà, à mi-chemin du campement et du cap Esquimau. Il était donc probable que la superficie de l’îlot ne tarderait pas à être considérablement réduite. Et, rien, rien à faire !

La journée fut réellement chaude. Les glaçons, déterrés pour fournir l’eau potable, se dissolvaient sans qu’il fût nécessaire d’employer le feu. Sur les parties accores du rivage, la croûte glacée s’en allait en minces filets qui tombaient à la mer. Il était visible que, d’une manière générale, le niveau moyen de l’îlot s’était abaissé. Les eaux tièdes rongeaient incessamment sa base.

On ne dormit guère au campement pendant la nuit suivante. Qui aurait