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le pays des fourrures.

Quelques ours furent aperçus, animaux terribles, quand ils appartiennent aux espèces polaires. Toutefois, la rareté de ces carnassiers étonnait Mrs. Paulina Barnett. La voyageuse pensait, en s’en rapportant aux récits des hiverneurs, que les régions arctiques devaient être très fréquentées par ces redoutables animaux, puisque les naufragés ou les baleiniers de la baie de Baffin comme ceux du Groënland et du Spitzberg, sont journellement attaqués par eux, et c’est à peine si quelques-uns se montraient au large du détachement.

« Attendez l’hiver, madame, lui répondait le lieutenant Hobson, attendez le froid qui engendre la faim, et peut-être serez-vous servie à souhait ! »

Cependant, après un fatigant et long parcours, le 23 mai, la petite troupe était enfin arrivée sur la limite du Cercle polaire. On sait que ce parallèle, éloigné de 23°27’57’’ du pôle nord, forme cette limite mathématique à laquelle s’arrêtent les rayons solaires, lorsque l’astre radieux décrit son arc dans l’hémisphère opposée. À partir de ce point, l’expédition entrait donc franchement sur les territoires des régions arctiques.

Cette latitude avait été relevée soigneusement au moyen des instruments très précis que l’astronome Thomas Black et Jasper Hobson maniaient avec une égale habileté. Mrs. Paulina Barnett, présente à l’opération, apprit avec satisfaction qu’elle allait enfin franchir le Cercle polaire. Amour-propre de voyageuse, bien admissible, en vérité.

« Vous avez déjà passé les deux tropiques dans vos précédents voyages, madame, lui dit le lieutenant, et vous voilà aujourd’hui sur la limite du Cercle polaire. Peu d’explorateurs se sont ainsi aventurés sous des zones si différentes ! Les uns ont, pour ainsi dire, la spécialité des terres chaudes, et l’Afrique et l’Australie, principalement, forment le champ de leurs investigations. Tels les Barth, les Burton, les Livingstone, les Speck, les Douglas, les Stuart. D’autres, au contraire, se passionnent, pour ces régions arctiques, encore si imparfaitement connues, les Mackenzie, les Franklin, les Penny, les Kane, les Parry, les Raë, dont nous suivons en ce moment les traces. Il convient donc de féliciter Mrs. Paulina Barnett d’être une voyageuse si cosmopolite.

— Il faut tout voir, ou du moins tenter de tout voir, monsieur Hobson, répondit Mrs. Paulina Barnett. Je crois que les difficultés et les périls sont à peu près partout les mêmes, sous quelque zone qu’ils se présentent. Si nous n’avons pas à craindre sur ces terres arctiques les fièvres des pays chauds, l’insalubrité des hautes températures et la cruauté des tribus de race noire, le froid n’est pas un ennemi moins redoutable. Les animaux féroces se