— Qu’étiez-vous devenu ? interrogea Striga sans se décourager.
— Je n’ai pas quitté le voisinage de la mer, répondit enfin Serge Ladko.
— Si loin de Roustchouk ! s’exclama Striga.
Serge Ladko fronça les sourcils. Cet interrogatoire commençait à l’exaspérer. Suivant la ligne de conduite qu’il s’était tracée, il refréna toutefois son impatience et expliqua posément :
— Les périodes troublées ne sont pas favorables aux affaires.
Striga le considéra d’un œil narquois.
— Et l’on vous disait patriote ! s’écria-t-il avec ironie.
— Je ne fais plus de politique, dit sèchement Serge Ladko.
À ce moment, le regard de Striga tomba sur la barge, que le courant avait fait éviter à l’arrière du chaland. Il tressaillit violemment. Il ne pouvait se tromper. C’était bien cette barge, dont il s’était servi lui-même pendant huit jours, et qu’il avait retrouvée amarrée au quai de Semlin. Serge Ladko mentait donc quand il prétendait ne pas avoir quitté le delta du Danube ?
— Depuis que vous avez quitté Roustchouk, vous ne vous êtes pas éloigné de ces parages ? insista Striga en scrutant de l’œil son interlocuteur.
— Non, répondit Serge Ladko.
— Vous m’étonnez, fit Striga.