Il allait reprendre sa placide argumentation, quand, à cet instant précis, une troisième personne, qu’Ilia Brusch, absorbé par la discussion, n’avait pas vue s’approcher, sauta dans la barge. Ce nouveau venu portait l’uniforme des gendarmes allemands.
— Monsieur Ilia Brusch ? demanda ce représentant de la force publique.
— C’est moi, répondit l’interpellé.
— Vos papiers, s’il vous plaît ?
La demande tomba comme une pierre au milieu d’une mare tranquille. Ilia Brusch fut visiblement anéanti.
— Mes papiers ?… bégaya-t-il. Mais je n’ai pas de papiers, moi, si ce n’est des enveloppes de lettres et les quittances de loyer pour la maison que j’habite à Szalka. Cela vous suffit-il ?
— Ce ne sont pas des papiers, ça, répliqua le gendarme d’un air dégoûté. Un acte de baptême, une carte de circulation, un livret d’ouvrier, un passeport, voilà des papiers ! Avez-vous quelque chose de ce genre ?
— Absolument rien, dit Ilia Brusch avec désolation.
— C’est ennuyeux pour vous, murmura le gendarme, qui paraissait très sincèrement fâché d’être dans la nécessité de sévir.
— Pour moi ! protesta le pêcheur. Mais je suis un honnête homme, je vous prie de le croire.
— J’en suis convaincu, proclama le gendarme.