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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

valait que cet entretien n’eût pas lieu à l’hôtel Roderich. Mon frère et moi, nous étions rentrés ensemble dans la nuit, et, de très bonne heure, il était allé prendre des nouvelles de Mme Roderich et de sa fiancée. Puis, sur sa proposition, le docteur et le capitaine Haralan s’était empressés de le suivre.

La conversation s’engagea aussitôt :

« Henri, me dit Marc, j’ai donné l’ordre de ne laisser monter personne. Ici, on ne peut nous entendre, et nous sommes seuls… bien seuls… dans cette chambre.

En quel état se trouvait mon frère ! Sa figure, rayonnante de bonheur la veille, était défaite, affreusement pâle. En somme, il me sembla plus accablé que ne le comportaient les circonstances.

Le docteur Roderich faisait des efforts pour se contenir, très différent de son fils, qui, les lèvres serrées, le regard troublé, laissait voir à quelle obsession il était en proie.

Je me promis de conserver tout mon sang-froid.

Mon premier soin fut de m’informer de Mme Roderich et de sa fille :

— Toutes deux ont été fort éprouvées par les incidents d’hier, me répondit le docteur, et quelques jours seront nécessaires pour qu’elles puissent se remettre. Cependant Myra, très affectée d’abord, a fait appel à son énergie et s’efforce de rassurer sa mère, plus frappée qu’elle. J’espère que le souvenir de cette soirée s’effacera bientôt de son esprit, et, à moins que ces déplorables scènes ne se renouvellent…

— Se renouveler ? dis-je. Il n’y a pas lieu de le craindre, docteur. Les circonstances dans lesquelles se sont produits ces phénomènes — puis-je appeler autrement ce qui s’est passé ? — ne se représenteront pas.

— Qui sait ? répliqua le docteur Roderich, qui sait ? Aussi ai-je grande hâte que le mariage soit accompli, car je commence à croire que les menaces qui m’ont été faites…

Le docteur n’acheva pas cette phrase dont le sens n’était que