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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

Le capitaine Haralan sentait que j’avais raison. Toutefois, il ne voulait pas se rendre.

— Mon cher Vidal, répondit-il d’un ton qui ne laissait pas d’espoir, nous ne voyons pas, nous ne pouvons voir les choses de la même façon. Ma famille, qui va devenir celle de votre frère, a été outragée, et je ne tirerais pas vengeance de ces outrages ?…

— Non, c’est à la justice de le faire.

— Comment le ferait-elle, si cet homme ne revient pas ?… Or, le Gouverneur a signé ce matin un arrêté d’expulsion qui rend impossible le retour de Storitz. Il faut donc que j’aille où il est, où il doit être du moins, à Spremberg.

— Soit, répliquai-je, en dernier argument, mais attendez au moins le mariage de votre sœur. Encore quelques jours de patience et, alors je serai le premier à vous conseiller de partir. Je vous accompagnerai même à Spremberg. »

Je le pressai avec tant de chaleur que l’entretien se termina par sa promesse formelle qu’il se ferait violence, à la condition que, le mariage célébré, je ne m’opposerais plus à son projet, et que je partirais avec lui.

Elles allaient me paraître interminables, les heures qui nous séparaient du 1er juin. Car en somme, tout en regardant comme un devoir de rassurer les autres, je n’étais pas sans éprouver quelques inquiétudes. Aussi m’arrivait-il souvent de remonter où de descendre le boulevard Tékéli, poussé par je ne sais quel pressentiment.

La maison Storitz était toujours telle qu’on l’avait laissée après la descente de police, portes fermées, fenêtres closes, cour et jardin déserts. Sur le boulevard, quelques agents dont la surveillance s’étendait jusqu’au parapet des anciennes fortifications et sur la campagne environnante. Aucune tentative pour rentrer dans cette maison n’avait été faite ni par le maître, ni par le serviteur. Et pourtant, ce que c’est que l’obsession,