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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

par le boulevard et par le chemin de ronde. De tous les côtés accouraient des masses d’hommes et de femmes, surexcités au dernier point et faisant entendre des cris de mort.

Que pouvaient les arguments devant cette conviction, irraisonnée mais indéracinable, qu’il était là, « lui ! », et peut-être avec toute la bande de ses complices invisibles ? Que pouvait la police contre cette foule innombrable qui assiégeait la maison maudite de si près, que Storitz, s’il y était enfermé, ne parviendrait pas à s’enfuir ? D’ailleurs, si Wilhelm Storitz avait été aperçu aux fenêtres du belvédère, c’était sous sa forme matérielle. Avant qu’il ait réussi à se rendre invisible, il serait pris, et, cette fois, il n’échapperait pas à la vengeance populaire.

Malgré la résistance des agents, malgré les efforts du chef de police, la grille fut forcée, la maison envahie, les portes enfoncées, les fenêtres arrachées, les meubles jetés dans le jardin et dans la cour, les appareils du laboratoire mis en pièces. Puis, les flammes jaillirent du rez-de-chaussée, gagnèrent l’étage supérieur, tourbillonnèrent au-dessus de la toiture, et bientôt le belvédère s’écroula dans la fournaise.

Quant à Wilhelm Storitz, c’est en vain qu’on l’avait cherché dans l’habitation, dans la cour, dans le jardin. Il n’y était pas, ou, du moins, il fut impossible de le découvrir.

Maintenant, l’incendie allumé en dix endroits anéantissait sa maison. Une heure après, il n’en restait plus que les quatre murs.

Peut-être valait-il mieux, en somme, qu’elle fût détruite. Qui sait s’il ne s’ensuivrait pas une détente des esprits, si la population ragzienne n’en arriverait pas à croire que Wilhelm Storitz, tout invisible qu’il fût, avait péri dans les flammes ?