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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

acculé à une de ces situations où l’invisibilité cesse d’être un avantage. Il manquait d’argent, et, pour s’en procurer, il lui fallait renoncer à son pouvoir.

Cependant, il continuait :

— Le pis, c’est que je ne sais comment faire. Ces imbéciles ont détruit mon laboratoire, et je ne possède pas un seul flacon n° 2, Heureusement, ils n’ont pu découvrir la cachette du jardin, mais elle est sous les décombres, et j’ai besoin de toi pour la dégager.

— À vos ordres, fit Hermann.

— Viens après-demain matin vers dix heures. Le jour ou la nuit, c’est la même chose pour nous, et au moins nous y verrons clair.

— Pourquoi pas demain ?

— Demain, j’ai autre chose à faire. Je médite un coup de ma façon, dont ne s’applaudira pas quelqu’un que je sais.

Les deux interlocuteurs reprirent leur promenade. Quand ils revinrent :

— Non, je ne quitterai pas Ragz, disait Wilhelm Storitz d’une voix où grondait la colère, tant que ma haine contre cette famille ne sera pas assouvie, tant que Myra et ce Français…

Il n’acheva pas, ou plutôt ce fut comme un rugissement qui s’échappa de sa poitrine. À ce moment, il passait tout près de nous. Peut-être eût-il suffi d’étendre la main pour le saisir. Mais notre attention fut alors attirée par ces paroles d’Hermann.

— On sait maintenant à Ragz que vous avez le pouvoir de vous rendre invisible, mais on ignore par quel moyen.

— Et cela, on l’ignorera toujours, répondit Wilhelm Storitz. Ragz n’en a pas fini avec moi. Parce qu’ils ont brûlé ma maison, ils croient qu’ils ont brûlé mes secrets !… Les fous !… Non, Ragz n’évitera pas ma vengeance, et je n’en laisserai pas pierre sur pierre !…

Cette phrase si menaçante pour la ville était à peine prononcée,