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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

notre mât, la corde d’un bac que supportaient, deux perches surmontées du pavillon national.

Pendant cette journée, nous perdîmes de vue Fischamenan, Rigelsbrun, et la Dorothée relâcha, le soir, à l’embouchure de la March, un affluent de gauche, qui descend de la Moravie, à peu près à la frontière du royaume magyar. C’est là qu’on passa la nuit du 27 au 28 avril, pour repartir le matin, dès l’aube, entraîné par le courant à travers ces territoires, où au xvie siècle les Français et les Turcs se battirent avec tant d’acharnement. Enfin, après avoir fait escale à Pétronel, à Altenbourg, à Hainbourg, après avoir franchi le défilé de la Porte de Hongrie, après que le pont de bateaux se fut ouvert devant elle, la gabarre arriva au quai de Presbourg.

Une relâche de vingt-quatre heures nécessitée par le mouvement des marchandises me permit de visiter cette ville, digne de l’attention des voyageurs. Elle a véritablement l’air d’être bâtie sur un promontoire. Ce serait la mer qui s’étendrait à ses pieds et dont les lames roulantes baigneraient sa base, au lieu des eaux calmes d’un fleuve, qu’il n’y aurait pas lieu d’en être surpris. Au-dessus de la ligne de ses magnifiques quais se dessinent des silhouettes de maisons construites avec une remarquable régularité dans un beau style.

J’admirai la cathédrale, dont la coupole se termine par une couronne dorée, et de nombreux hôtels, quelquefois des palais, qui appartiennent à l’aristocratie hongroise. Puis je fis l’ascension de la colline à laquelle s’accroche le château et visitai cette vaste bâtisse quadrangulaire, flanquée de tours à ses angles comme une ruine féodale. Peut-être pourrait-on regretter d’être monté jusque-là, si la vue ne s’étendait largement sur les superbes vignobles des environs et la plaine infinie où se déroule le Danube.

En aval de Presbourg, dans la matinée du 30 avril, la Dorothée s’engagea a travers la puszta. C’est la steppe russe, c’est la