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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

là. Si les ouvriers étaient invisibles, leur ouvrage ne l’était pas…

Tout à coup, un cri retentit, poussé par une voix furieuse… De notre place, nous voyons le capitaine Haralan s’élancer et franchir l’allée d’un seul bond… Il retombe au bord des ruines et semble se heurter à un obstacle invisible… Il avance, il recule, ouvre les bras et les referme, il se courbe et se redresse, comme un lutteur combattant corps à corps…

« À moi ! crie le capitaine Haralan. Je le tiens !

Le lieutenant Armgard et moi, nous nous précipitons vers lui.

— Je le tiens, le misérable… Je le tiens… répète-t-il. À moi, Vidal !… À moi, Armgard !

Soudain, je me sens repoussé par un bras que je ne vois pas, tandis qu’une bruyante respiration m’arrive en pleine figure.

Oui, c’est bien une lutte corps à corps. Il est là, l’être invisible… Wilhelm Storitz ou tout autre !… Qui que ce soit, nos mains l’ont saisi, nous ne le lâcherons plus et nous saurons le contraindre à dire où est Myra.

Ainsi donc, comme l’a déjà constaté M. Stepack, s’il a le pouvoir de détruire sa visibilité, du moins sa matérialité subsiste. Ce n’est pas un fantôme, c’est un corps, dont nous essayons — au prix de quels efforts ! — de paralyser les mouvements.

Nous y parvenons enfin. Je tiens par un bras notre invisible adversaire. Le lieutenant Armgard le tient par l’autre.

— Où est Myra ?… où est Myra ?… interroge d’une voix fiévreuse le capitaine Haralan.

Aucune réponse. Le misérable lutte et cherche à se dégager. Nous avons affaire à un être très vigoureux qui se débat violemment pour nous échapper. S’il y réussit, il s’élancera à travers le jardin ou les ruines, il gagnera le boulevard, et on devra renoncer à l’espoir de jamais le reprendre.

— Diras-tu où est Myra ?… répète le capitaine Haralan au comble de la fureur.


Enfin, ces mots se font entendre :