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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

Quel remords pour M. Stepark et pour moi-même d’avoir agi avec tant de précipitation lors de la découverte du caveau ! Sans cette précipitation déplorable, ce que nous avions fait pour Hermann, nous aurions pu le faire pour Myra. Un seul flacon de la mystérieuse liqueur, et toutes nos angoisses passées n’auraient plus été qu’un cauchemar effacé dans la joie du réveil.

Le crime involontaire que M. Stepark avait commis, et que j’avais, moi, laissé commettre, nous ne nous en vantions ni l’un ni l’autre. Il demeurerait à jamais enseveli entre nous, et, d’un tacite accord, nous n’avions même pas échangé le moindre mot à ce sujet.

Chacun de notre côté, nous nous acharnions l’un et l’autre à torturer de mille façons le malheureux Hermann, dans le chimérique espoir de lui arracher un secret qu’il ne possédait sans doute pas. Quelle chance y avait-il, en effet, qu’on eût révélé à un domestique dépourvu de la plus vulgaire culture les arcanes de la chimie transcendante, et, si on l’avait fait, quelle probabilité que celui-ci y eût compris quelque chose ?

Le jour vint enfin où nous prîmes conscience de l’inanité de nos efforts, et, comme il ne subsistait, en somme, contre Hermann aucune charge qui fût justiciable des Tribunaux, il fallut bien se résoudre en haut lieu à le remettre en liberté.

Mais le sort avait décidé que le pauvre diable ne profiterait pas de cette tardive mansuétude. Le matin où son gardien vint le chercher pour lui rendre la clef des champs, on le trouva mort dans sa cellule, foudroyé par une embolie, comme l’autopsie le démontra ultérieurement.

Ainsi s’évanouit notre dernier espoir. Ainsi nous fut démontré que le secret de Wilhelm Storitz demeurerait à jamais inconnu.

Dans les papiers saisis lors de la perquisition du boulevard Tékéli et déposés à la Maison de Ville, on ne trouva, après un minutieux examen, que de vagues formules, des notations à la fois physiques et chimiques, absolument incompréhensibles.