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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

— Les deux faits n’ont donc aucun rapport ?

— Aucun :

Mlle Myra a-t-elle su que Wilhelm Storitz avait aspiré à l’honneur de devenir son époux, comme on dit dans la chanson ?

— Je ne le crois pas.

— Et, depuis, il n’a jamais fait de démarche ?

— Jamais. Il a dû comprendre qu’il n’avait aucune chance.

— Pourquoi cela ? Est-ce que sa réputation ?…

— Non. Wilhelm Storitz est une sorte d’original dont l’existence est assez mystérieuse, et qui vit très retiré…

— À Ragz ?

— Oui, à Ragz, dans une maison isolée du boulevard Tékéli, où personne ne pénètre. On le tient pour un garçon bizarre, voilà tout. Mais c’est un Allemand, et cela eût suffi à motiver le refus de M. Roderich, car les Hongrois n’aiment guère les représentants de la race teutonne.

— L’as-tu rencontré ?

— Quelquefois, et un jour, au Musée, le capitaine Haralan me l’a montré, sans qu’il ait paru nous apercevoir.

— Est-il en ce moment à Ragz ?

— Je ne puis te répondre exactement, Henri, mais je crois qu’on ne l’y a pas vu depuis deux ou trois semaines.

— Cela vaudrait mieux qu’il eût quitté la ville.

— Bon ! fit Marc, laissons cet homme où il est, et si jamais il y a une dame Wilhelm Storitz, tu peux être sûr que ce ne sera pas Myra Roderich, puisque…

— Oui, répliquai-je, puisqu’elle sera Mme Marc Vidal ! »

— Notre promenade se poursuivit sur le quai jusqu’au pont de bateaux qui réunit la rive hongroise à la rive serbienne. J’avais un but en la prolongeant ainsi. Depuis quelques instants, il me semblait que nous étions suivis par un individu qui marchait derrière nous, comme s’il eût cherché à entendre notre conversation. Je voulais en avoir le cœur net.