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un et un font deux.

imaginer. Le lendemain, dans la matinée, lorsque les contrevenants, introduits dans son cabinet, comparurent devant lui, il ne tint aucun compte de leurs politesses, et les interrogea brusquement, brièvement. Leur nom ?… M. et Mrs Field. Le lieu de leur domicile ?… Ils indiquèrent au hasard Harrisburg, Pennsylvanie. Leur profession ?… Rentiers. Puis il leur envoya en pleine figure cent dollars d’amende pour avoir enfreint les prohibitions relatives aux boissons alcooliques dans l’État du Maine.

C’était trop fort. Si maître de lui qu’il fût et malgré les efforts de sa femme qui tenta vainement de le calmer, M. Titbury ne put se contenir. Il s’emporta, il menaça le juge R. T. Ordak, et le juge R. T. Ordak doubla l’amende — cent dollars supplémentaires pour avoir manqué de respect à la justice.

Ce supplément rendit M. Titbury plus furieux encore. Deux cents dollars à ajouter aux dépenses déjà faites pour se transporter à l’extrême limite de ce maudit État du Maine ! Exaspéré, le contrevenant oublia toute prudence et alla même jusqu’à sacrifier les avantages que lui assurait son incognito.

Et alors, les bras croisés, la figure en feu, repoussant Mrs Titbury avec une violence inaccoutumée, il se courba sur le bureau du juge et lui dit :

« Savez-vous bien à qui vous avez affaire ?…

— À un malappris que je gratifie de trois cents dollars d’amende, puisqu’il continue sur ce ton, répliqua, non moins exaspéré, R. T. Ordak.

— Trois cents dollars !… s’écria Mrs Titbury, en tombant, demi-pâmée sur un banc.

— Oui, reprit le juge en accentuant chaque syllabe, trois cents dollars à M. Field d’Harrisburg, Pennsylvanie…

— Eh bien, hurla M. Titbury en frappant le bureau du poing, apprenez donc que je ne suis pas M. Field, d’Harrisburg, Pennsylvanie…

— Et qui êtes-vous donc ?…

M. Titbury… de Chicago… Illinois…