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à pas de tortue.

autrefois les fourgons chargés de marchandises destinées aux campements des pionniers et que conduisait le bull-waker, le bouvier, alors que l’on mettait plusieurs mois pour aller de New York aux territoires de West Union.

Cheap Hotel devait être isolé, car, en se penchant hors de la fenêtre, M. Titbury n’apercevait aucune maison, ni sur cette rive, ni sur la rive gauche de la rivière. Rien que le sombre massif des verdoyantes forêts de pins qui s’étageaient sur les flancs d’une haute montagne.

À dix heures, personne encore. M. et Mrs Titbury commencèrent à s’impatienter, et d’ailleurs la faim se faisait sentir.

« Sortons, dit l’une.

— Sortons, » dit l’autre.

Et, poussant la porte de leur chambre, ils pénétrèrent dans une salle centrale, une vraie salle de cabaret, dont l’entrée donnait sur la route.

Là, sur le seuil, se tenaient deux hommes, mal vêtus, d’aspect peu rassurant, les yeux noyés de gin, et qui semblaient garder la porte.

« On ne passe pas ! »

Telle fut l’injonction envoyée d’un ton rude à M. Titbury.

« Comment… on ne passe pas ?…

— Non… sans payer.

— Payer ? »

Ce mot était évidemment, de toute la langue anglaise, celui qui plaisait le moins à M. Titbury, lorsqu’on le lui adressait.

« Payer… répéta-t-il, payer pour sortir ?… C’est une plaisanterie… »

Mais Mrs Titbury, soudain saisie d’inquiétude, ne prit pas la chose ainsi, et demanda :

« Combien ?…

— Trois mille dollars. »

Cette voix, elle la reconnut… C’était la voix de Robert Inglis, qui parut à l’entrée de l’hôtel.

Cependant M. Titbury, moins perspicace que sa femme, voulut prendre la chose en riant.