Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/152

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de se plaindre, et, en somme, il ne se plaindrait pas si Ben Raddle et lui avaient pu quitter le Klondike devant que la mauvaise saison ne fût arrivée. Mais — et c’est bien ce qui l’enrageait — cela ne dépendait pas de leur seule volonté. On ne pouvait abandonner le pays sans avoir effectué la vente du 129, et, auparavant, il fallait que la question de frontière eût été résolue. Or, les jours, les semaines s’écoulaient, et il ne semblait pas que l’opération touchât à son terme de manière à mettre les commissaires d’accord.

Et alors il arrivait à Summy Skim de dire, non sans quelque apparence de raison :

« Mais je ne vois pas, Ben, pourquoi nous serions obligés de rester ici, tant qu’on ne sera pas fixé sur la position de ce cent quarante et unième méridien, que le diable emporte !

— Parce que, répondit Ben Raddle, nous ne pourrons traiter avec le syndicat de la Trading Company ou tout autre qu’après l’achèvement du travail de rectification.

— Soit, Ben, mais cela peut se faire par correspondance, par intermédiaire, aussi bien à Montréal, dans l’étude de maître Snubbin qu’à Dawson-City dans les bureaux de Front Street.

— Non, dans des conditions aussi favorables, répondit Ben Raddle.

— Pourquoi non, puisque nous sommes maintenant fixés sur la valeur de notre claim ?…

— Dans un mois ou six semaines, nous le serons bien davantage, déclara l’ingénieur, et ce n’est plus deux cent mille francs qu’on nous offrira du 129, ce sera quatre ou cinq cent mille…

— Et qu’est-ce que nous ferons de tout cela ! s’écria Summy Skim.

— Bon usage, sois-en sûr, affirma Ben Raddle. Ne vois-tu donc pas que le filon devient de plus en plus riche à mesure qu’il avance vers l’ouest ?…

— Eh ! à force d’avancer, il finira par se rencontrer avec celui du 127, fit observer Summy Skim, et lorsque nos hommes se trouveront en contact avec ceux de cet horrible Hunter, je ne sais trop ce qui se passera… »

En effet, il y avait lieu de redouter qu’une lutte s’engageait alors entre les deux personnels qui se rapprochaient chaque jour de la limite mitoyenne des deux placers. Déjà même, des injures avaient été échangées, des menaces de violence se faisaient entendre. Le contremaître Lorique avait eu maille à partir avec le contremaître américain, une sorte d’athlète brutal et grossier, et qui sait si ces injures ne dégénèreraient pas en voie de fait, lorsque Hunter et Malone reviendraient surveiller l’exploitation. La position du poteau qui indiquait la séparation des deux gisements serait con-

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