Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/57

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« Eh bien, répondit celui-ci, il est fâcheux que le claim de notre oncle Josias au lieu d’être situé sur le Forty Miles Creek ne le soit pas sur la Taku-River…

— Et pourquoi ?…

— Parce que nous n’aurions pas besoin d’aller jusqu’à Skagway ! »

Encore, convient-il de le dire, s’il n’eût été question que d’atteindre Skagway, il n’y aurait pas eu lieu de se plaindre. Le Foot-Ball y arriverait le lendemain. Mais là commenceraient les véritables difficultés et très probablement d’excessives misères, lorsqu’il s’agirait de franchir les passes du Chilkoot et de rejoindre la rive gauche du Yukon par la route des lacs.

Et cependant ils étaient tous là, ces passagers, ayant hâte d’avoir quitté le Foot-Ball pour s’aventurer sur la région arrosée par la grande artère alaskienne. S’ils ne songeaient qu’à l’avenir, ce n’étaient pas pour en voir les fatigues, les épreuves, les dangers, les déceptions, mais bien tout ce mirage qu’il laissait entrevoir.

Enfin, après Juneau, le paquebot remonta le Canal de Lynn qui se termine à Skagway pour les navires d’un certain tonnage, et que les bateaux plats peuvent suivre au-delà, pendant (…) lieues jusqu’à la bourgade de Dyea. Vers le Nord-Ouest resplendissait le glacier de Muir, haut de deux cent quarante pieds, et dont le Pacifique reçoit incessamment les bruyantes avalanches. Quelques barques, montées par les indigènes, faisaient alors escorte au Foot-Ball, qui donna même la remorque à quelques-unes.

Pendant cette dernière soirée qu’ils allaient passer à bord, il s’engagea, dans la salle de jeux, une formidable partie où plusieurs de ceux qui l’avaient fréquentée pendant la traversée, devaient perdre jusqu’à leur dernier dollar. On ne s’étonnera pas que les deux Texiens Hunter et Malone eussent été parmi les plus assidus et surtout les plus violents. Du reste, les autres, de quelque nationalité qu’ils fussent, ne valaient pas mieux. C’était d’ailleurs la même catégorie d’aventuriers qui se retrouvait d’habitude dans les tripots de Vancouver, de Wrangel, de Skagway et de Dawson-City.

Il ne semblait pas que, jusqu’alors, la fortune eût été défavorable aux deux Texiens. Depuis que le Foot-Ball les avait embarqués dans le port d’Acapulco, plusieurs milliers de piastres ou de dollars leur étaient arrivés par les bonnes chances du faro et du monte. Et ils espéraient, sans doute, qu’elle leur resterait fidèle pendant la dernière soirée qu’ils devaient passer à bord.

Il n’en fut rien, cependant, et au bruit qui s’échappait du room des joueurs, on ne put mettre en doute qu’il ne fût le théâtre de scènes déplorables. Des cris retentissaient, des invectives grossières se faisaient entendre, et peut-être le capitaine du Foot-Ball serait-il contraint d’intervenir pour

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