Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/108

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« Au moins, reprit le major, vous me direz près de qui se trouvait l’enfant pendant la descente de la Cordillère ?

— Près de moi, répondit Wilson.

— Eh bien, jusqu’à quel moment l’as-tu vu près de toi ? Rappelle tes souvenirs. Parle.

— Voici tout ce dont je me souviens, répondit Wilson. Robert Grant était encore à mes côtés, la main crispée à une touffe de lichen, moins de deux minutes avant le choc qui a terminé notre descente.

— Moins de deux minutes ! Fais bien attention, Wilson, les minutes ont dû te paraître longues ! Ne te trompes-tu pas ?

— Je ne crois pas me tromper… C’est bien cela… moins de deux minutes !

— Bon ! dit Mac Nabbs. Et Robert se trouvait-il placé à ta gauche ou à ta droite ?

— À ma gauche. Je me rappelle que son poncho fouettait ma figure.

— Et toi, par rapport à nous, tu étais placé ?…

— Également sur la gauche.

— Ainsi, Robert n’a pu disparaître que de ce côté, dit le major, se tournant vers la montagne et indiquant sa droite. J’ajouterai qu’en tenant compte du temps écoulé depuis sa disparition, l’enfant doit être tombé sur la partie de la montagne comprise entre le sol et deux milles de hauteur. C’est là qu’il faut le chercher, en nous partageant les différentes zones, et c’est là que nous le retrouverons. »

Pas une parole ne fut ajoutée. Les six hommes, gravissant les pentes de la Cordillère, s’échelonnèrent sur sa croupe à diverses hauteurs et commencèrent leur exploration. Ils se maintenaient constamment à droite de la ligne de descente, fouillant les moindres fissures, descendant au fond des précipices comblés en partie par les débris du massif, et plus d’un en sortit les vêtements en lambeaux, les pieds et les mains ensanglantés, après avoir exposé sa vie. Toute cette portion des Andes, sauf quelques plateaux inaccessibles, fut scrupuleusement fouillée pendant de longues heures, sans qu’aucun de ces braves gens songeât à prendre du repos. Vaines recherches. L’enfant avait trouvé non-seulement la mort dans la montagne, mais aussi un tombeau dont la pierre, faite de quelque roc énorme, s’était à jamais refermée sur lui.

Vers une heure, Glenarvan et ses compagnons brisés, anéantis, se retrouvaient au fond de la vallée. Glenarvan était en proie à une douleur violente ; il parlait à peine, et de ses lèvres sortaient ces seuls mots entrecoupés de soupirs :

« Je ne m’en irai pas ! Je ne m’en irai pas ! »