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L’Indien s’en empara, non par un vain plaisir de chasseur ; la chair du nandou est très-estimée, et Thalcave tenait à fournir son plat au repas commun.

On rapporta donc à la ramada le chapelet de bartavelles, l’autruche de Thalcave, le pécari de Glenarvan et le tatou de Robert. L’autruche et le pécari furent préparés aussitôt, c’est-à-dire dépouillés de leur peau coriace et coupés en tranches minces. Quant au tatou, c’est un animal précieux, qui porte sa rôtissoire avec lui, et on le plaça dans sa propre carapace sur des charbons ardents.

Les trois chasseurs se contentèrent, pour le souper, de dévorer les bartavelles, et ils gardèrent à leurs amis les pièces de résistance. Ce repas fut arrosé d’une eau limpide qui fut jugée supérieure à tous les portos du monde, et même à la fameuse usquebaugh[1], si honorée dans les hautes terres d’Écosse.

Les chevaux n’avaient pas été oubliés. Une grande quantité de fourrage sec, amassé dans la ramada, leur servit à la fois de nourriture et de litière.

Quand tout fut préparé, Glenarvan, Robert et l’Indien s’enveloppèrent de leur poncho, et s’étendirent sur un édredon d’alfafares, le lit habituel des chasseurs pampéens.


CHAPITRE XIX


LES LOUPS-ROUGES.


La nuit vint. Une nuit de nouvelle lune, pendant laquelle l’astre des nuits devait rester invisible à tous les habitants de la terre. L’indécise clarté des étoiles éclairait seule la plaine. À l’horizon, les constellations zodiacales s’éteignaient dans une brume plus foncée. Les eaux de la Guamini coulaient sans murmurer comme une longue nappe d’huile qui glisse sur un plan de marbre. Oiseaux, quadrupèdes et reptiles se reposaient des fatigues du jour, et un silence de désert s’étendait sur l’immense territoire des Pampas.

Glenarvan, Robert et Thalcave avaient subi la loi commune. Allongés sur l’épaisse couche de luzerne, ils dormaient d’un profond sommeil. Les

  1. Eau-de-vie d’orge fermentée.