Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/194

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— J’ai mes revolvers, dit Glenarvan.

— Et moi, les miens, répondit Robert.

— À quoi bon, reprit Tom Austin, si monsieur Paganel ne trouve pas le moyen de fabriquer la poudre ?

— C’est inutile, répondit Mac Nabbs, en montrant une poudrière en parfait état.

— Et d’où vous vient-elle, major ? demanda Paganel.

— De Thalcave. Il a pensé qu’elle pouvait nous être utile, et il me l’a remise avant de se précipiter au secours de Thaouka.

— Généreux et brave Indien ! s’écria Glenarvan.

— Oui, répondit Tom Austin, si tous les Patagons sont taillés sur ce modèle, j’en fais mon compliment à la Patagonie.

— Je demande qu’on n’oublie pas le cheval ! dit Paganel. Il fait partie du Patagon, et je me trompe fort, ou nous les reverrons, l’un portant l’autre.

— À quelle distance sommes-nous de l’Atlantique ? demanda le major.

— À une quarantaine de milles tout au plus, répondit Paganel. Et maintenant, mes amis, puisque chacun est libre de ses actions, je vous demande la permission de vous quitter ; je vais me choisir là-haut un observatoire, et, ma longue-vue aidant, je vous tiendrai au courant des choses de ce monde. »

On laissa faire le savant, qui, fort adroitement, se hissa de branche en branche et disparut derrière l’épais rideau de feuillage. Ses compagnons s’occupèrent alors d’organiser la couchée et de préparer leur lit. Ce ne fut ni difficile ni long. Pas de couvertures à faire, ni de meubles à ranger, et bientôt chacun vint reprendre sa place autour du brasero.

On causa alors, mais non plus de la situation présente qu’il fallait supporter avec patience. On en revint à ce thème inépuisable du capitaine Grant. Si les eaux se retiraient, le Duncan, avant trois jours, reverrait les voyageurs à son bord. Mais Harry Grant, ses deux matelots, ces malheureux naufragés, ne seraient pas avec eux. Il semblait même, après cet insuccès, après cette inutile traversée de l’Amérique, que tout espoir de les retrouver était irrévocablement perdu. Où diriger de nouvelles recherches ? Quelle serait donc la douleur de lady Helena et de Mary Grant en apprenant que l’avenir ne leur gardait plus aucune espérance !

« Pauvre sœur ! dit Robert, tout est fini pour nous ! »

Glenarvan, pour la première fois, ne trouva pas un mot consolant à répondre. Quel espoir pouvait-il donner au jeune enfant ? N’avait-il pas suivi avec une rigoureuse exactitude les indications du document ?