Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/286

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À la question faite par Mac Nabbs, Ayrton répondit en ces termes :

« Lorsque je fus arraché du gaillard d’avant où je halais bas le foc, le Britannia courait vers la côte de l’Australie. Il n’en était pas à deux encablures. Le naufrage a donc eu lieu à cet endroit même.

— Par trente-sept degrés de latitude ? demanda John Mangles.

— Par trente-sept degrés, répondit Ayrton.

— Sur la côte ouest ?

— Non pas ! Sur la côte est, répliqua vivement le quartier-maître.

— Et à quelle époque ?

— Dans la nuit du 27 juin 1862.

— C’est cela ! c’est cela même ! s’écria Glenarvan.

— Vous voyez donc bien, mylord, ajouta Ayrton, que j’ai pu justement dire : si le capitaine Grant vit encore, c’est sur le continent australien qu’il faut le chercher, non ailleurs.

— Et nous le chercherons, et nous le trouverons, et nous le sauverons, mon ami ! s’écria Paganel. Ah ! précieux document, ajouta-t-il avec une naïveté parfaite, il faut avouer que tu es tombé entre les mains de gens bien perspicaces ! »

Personne, sans doute, n’entendit les flatteuses paroles de Paganel. Glenarvan et lady Helena, Mary et Robert s’étaient empressés autour d’Ayrton. Ils lui serraient les mains. Il semblait que la présence de cet homme fût un gage assuré du salut d’Harry Grant. Puisque le matelot avait échappé aux dangers du naufrage, pourquoi le capitaine ne se serait-il pas tiré sain et sauf de cette catastrophe ? Ayrton répétait volontiers que le capitaine Grant devait être vivant comme lui. Où, il ne saurait le dire, mais certainement sur ce continent. Il répondait aux mille questions dont il était assailli avec une intelligence et une précision remarquables. Miss Mary, pendant qu’il parlait, tenait une de ses mains dans les siennes. C’était un compagnon de son père, ce matelot, un des marins du Britannia ! Il avait vécu près d’Harry Grant, courant avec lui les mers, bravant les mêmes dangers ! Mary ne pouvait détacher ses regards de cette rude physionomie et pleurait de bonheur.

Jusqu’ici, personne n’avait eu la pensée de mettre en doute la véracité et l’identité du quartier-maître. Seuls, le major et peut-être John Mangles, moins prompts à se rendre, se demandaient si les paroles d’Ayrton méritaient une entière confiance. Sa rencontre imprévue pouvait exciter quelques soupçons. Certainement, Ayrton avait cité des faits et des dates concordantes, de frappantes particularités. Mais les détails, si exacts qu’ils soient, ne forment pas une certitude, et généralement, on l’a remarqué, le