Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/381

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« Mylord, ces dames, vos compagnons et vous, voulez-vous nous faire l’honneur de vous reposer dans notre habitation ?

— Messieurs ?… dit Glenarvan.

— Michel et Sandy Patterson, propriétaires de Hottam-Station. Vous êtes déjà sur les terres de l’établissement et vous n’avez pas un quart de mille à faire.

— Messieurs, répondit Glenarvan, je ne voudrais pas abuser d’une hospitalité si gracieusement offerte…

— Mylord, reprit Michel Patterson, en acceptant, vous obligez de pauvres exilés qui seront trop heureux de vous faire les honneurs du désert. »

Glenarvan s’inclina en signe d’acquiescement.

« Monsieur, dit alors Paganel, s’adressant à Michel Patterson, serais-je indiscret en vous demandant si c’est vous qui chantiez hier cet air du divin Mozart ?

— C’est moi, monsieur, répondit le gentleman, et mon cousin Sandy m’accompagnait.

— Eh bien ! monsieur, reprit Paganel, recevez les sincères compliments d’un Français, admirateur passionné de cette musique. »

Paganel tendit la main au jeune gentleman, qui la prit d’un air fort aimable. Puis, Michel Patterson indiqua vers la droite la route à suivre. Les chevaux avaient été laissés aux soins d’Ayrton et des matelots. Ce fut donc à pied, causant et admirant, que les voyageurs, guidés par les deux jeunes gens, se rendirent à l’habitation d’Hottam-Station.

C’était vraiment un établissement magnifique, tenu avec la sévérité rigoureuse des parcs anglais. D’immenses prairies, encloses de barrières grises, s’étendaient à perte de vue. Là, paissaient les bœufs par milliers, et les moutons par millions. De nombreux bergers et des chiens plus nombreux encore gardaient cette tumultueuse armée. Aux beuglements et aux bêlements se mêlaient l’aboiement des dogues et le claquement strident des stockwhipps.

Vers l’est, le regard s’arrêtait sur une lisière de myalls et de gommiers, que dominait à sept mille cinq cents pieds dans les airs la cime imposante du mont Hottam. De longues avenues d’arbres verts à feuilles persistantes rayonnaient dans toutes les directions. Çà et là se massaient d’épais taillis de « grass-trees », arbustes hauts de dix pieds, semblables au palmier nain, et perdus dans leur chevelure de feuilles étroites et longues. L’air était embaumé du parfum des lauriers-menthes, dont les bouquets de fleurs blanches, alors en pleine floraison, dégageaient les plus fines senteurs aromatiques.