Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/386

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jour tamisé et déjà adouci par les pénombres de la vérandah. Lady Helena en s’approchant fut émerveillée. L’habitation de ce côté dominait une large vallée qui s’étendait jusqu’au pied des montagnes de l’est. La succession des prairies et des bois, çà et là de vastes clairières, l’ensemble des collines gracieusement arrondies, le relief de ce sol accidenté, formaient un spectacle supérieur à toute description. Nulle autre contrée au monde ne pouvait lui être comparée, pas même cette Vallée du Paradis, si renommée des frontières norvégiennes du Telemarck. Ce vaste panorama, découpé par de grandes plaques d’ombre et de lumière, changeait à chaque heure suivant les caprices du soleil. L’imagination ne pouvait rien rêver au delà, et cet aspect enchanteur satisfaisait tous les appétits du regard.

Cependant, sur un ordre de Sandy Patterson, un déjeuner venait d’être improvisé par le maître d’hôtel de la station, et, moins d’un quart d’heure après leur arrivée, les voyageurs s’asseyaient devant une table somptueusement servie. La qualité des mets et des vins était indiscutable ; mais ce qui plaisait surtout, au milieu de ces raffinements de l’opulence, c’était la joie des deux jeunes squatters, heureux d’offrir sous leur toit cette splendide hospitalité.

D’ailleurs, ils ne tardèrent pas à connaître le but de l’expédition, et ils prirent un vif intérêt aux recherches de Glenarvan. Ils donnèrent aussi bon espoir aux enfants du capitaine.

« Harry Grant, dit Michel, est évidemment tombé entre les mains des indigènes, puisqu’il n’a pas reparu dans les établissements de la côte. Il connaissait exactement sa position, le document le prouve, et pour n’avoir pas gagné quelque colonie anglaise, il faut qu’à l’instant où il prenait terre, il ait été fait prisonnier par les sauvages.

— C’est précisément ce qui est arrivé à son quartier-maître Ayrton, répondit John Mangles.

— Mais vous, Messieurs, demanda lady Helena, vous n’avez jamais entendu parler de la catastrophe du Britannia ?

— Jamais, madame, répondit Michel.

— Et quel traitement, suivant vous, a subi le capitaine Grant, prisonnier des Australiens ?

— Les Australiens ne sont pas cruels, madame, répondit le jeune squatter, et miss Grant peut être rassurée à cet égard. Il y a des exemples fréquents de la douceur de leur caractère, et quelques Européens ont vécu longtemps parmi eux, sans avoir jamais eu à se plaindre de leur brutalité.

— King entre autres, dit Paganel, le seul survivant de l’expédition de Burke.

— Non-seulement ce hardi explorateur, reprit Sandy, mais aussi un sol-