Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/388

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une armée de rabatteurs n’en eût pas jeté davantage sous le fusil des chasseurs. Aussi, ce fut bientôt une série de détonations inquiétantes pour les hôtes paisibles des bois et des plaines. Le jeune Robert fit des merveilles à côté du major Mac Nabbs. Ce hardi garçon, malgré les recommandations de sa sœur, était toujours en tête, et le premier au feu. Mais John Mangles se chargea de veiller sur lui, et Mary Grant se rassura.

Pendant cette battue, on tua certains animaux particuliers au pays, et dont jusqu’alors Paganel ne connaissait que le nom : entre autres, le « wombat » et le « bandicoot. »

Le wombat est un herbivore qui creuse des terriers à la manière des blaireaux ; il est gros comme un mouton, et sa chair est excellente.

Le bandicoot est une espèce de marsupiaux, qui en remontrerait au renard d’Europe et lui donnerait des leçons de pillage dans les basses-cours. Cet animal, d’un aspect assez repoussant, long d’un pied et demi, tomba sous les coups de Paganel, qui, par amour-propre de chasseur, le trouva charmant. « Une adorable bête, » disait-il.

Robert, entre autres pièces importantes, tua fort adroitement un « dasyure viverrin, » sorte de petit renard, dont le pelage noir et moucheté de blanc vaut celui de la martre, et un couple d’opossums qui se cachaient dans le feuillage épais des grands arbres.

Mais de tous ces hauts faits, le plus intéressant fut, sans contredit, une chasse au kanguroo. Les chiens, vers quatre heures, firent lever une bande de ces curieux marsupiaux. Les petits rentrèrent précipitamment dans la poche maternelle, et toute la troupe s’échappa en file. Rien de plus étonnant que ces énormes bonds du kanguroo dont les jambes de derrière, deux fois plus longues que celles de devant, se détendent comme un ressort.

En tête de la troupe fuyante décampait un mâle haut de cinq pieds, magnifique spécimen du « macropus giganteus, » un « vieil homme, » comme disent les bushmen.

Pendant quatre à cinq milles, la chasse fut activement conduite. Les kanguroos ne se lassaient pas, et les chiens, qui redoutent, non sans raison, leur vigoureuse patte armée d’un ongle aigu, ne se souciaient pas de les approcher. Mais enfin, épuisée par sa course, la bande s’arrêta et le « vieil homme » s’appuya contre un tronc d’arbre, prêt à se défendre. Un des pointers, emporté par son élan, alla rouler près de lui. Un instant après, le malheureux chien sautait en l’air, et retombait éventré.

Certes, la meute tout entière n’aurait pas eu raison de ces puissants marsupiaux. Il fallait donc en finir à coups de fusil, et les balles seules pouvaient abattre le gigantesque animal.