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les enfants

eut soin de placer dans les interstices une demi-douzaine de barriques vides, qui devaient surélever l’appareil au-dessus de l’eau.

Sur cette première assise fortement établie, Wilson avait posé une sorte de plancher en claire-voie fait de caillebottis. Les vagues pouvaient donc déferler sur le radeau sans y séjourner, et les passagers devaient être à l’abri de l’humidité. D’ailleurs, des pièces à eau, solidement saisies, formaient une espèce de pavois circulaire qui protégeait le pont contre les grosses lames.

Ce matin-là, John, voyant le vent favorable, fit installer au centre de l’appareil la vergue du petit perroquet en guise de mât. Elle fut maintenue par des haubans et munie d’une voile de fortune. Un grand aviron à large pelle, fixé à l’arrière, permettait de gouverner l’appareil, si le vent lui imprimait une vitesse suffisante.

Tel, ce radeau, établi dans les meilleures conditions, pouvait résister aux secousses de la houle. Mais gouvernerait-il, atteindrait-il la côte si le vent tournait ? C’était la question.

À neuf heures commença le chargement.

D’abord les vivres furent embarqués en suffisante quantité pour durer jusqu’à Auckland, car il ne fallait pas compter sur les productions de cette terre ingrate.

L’office particulière d’Olbinett fournit quelques viandes conservées, ce qui restait des provisions achetées pour la traversée du Macquarie. Peu de chose, en somme. Il fallut se rejeter sur les vivres grossiers du bord, des biscuits de mer de qualité médiocre, et deux barriques de poissons salés. Le stewart en était tout honteux.

Ces provisions furent enfermées dans des caisses hermétiquement closes, étanches et impénétrables à l’eau de mer, puis descendues et retenues par de fortes saisines au pied du mât de fortune. On mit en lieu sûr et au sec les armes et les munitions. Très-heureusement, les voyageurs étaient bien armés de carabines et de revolvers.

Une ancre à jet fut également embarquée pour le cas où John, ne pouvant atteindre la terre dans une marée, serait forcé de mouiller au large.

À dix heures, le flot commença à se faire sentir. La brise soufflait faiblement du nord-ouest. Une légère houle ondulait la surface de la mer.

« Sommes-nous prêts ? demanda John Mangles.

— Tout est paré, capitaine, répondit Wilson.

— Embarque ! » cria John.

Lady Helena et Mary Grant descendirent par une grossière échelle de