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les enfants

Une demi-heure s’écoula dans de vaines tentatives. John, impatient d’appareiller, fit couper le grelin, abandonnant son ancre et s’enlevant toute possibilité de mouiller dans un cas urgent, si la marée ne suffisait pas pour gagner la côte. Mais il ne voulut pas tarder davantage, et un coup de hache livra le radeau au gré de la brise, aidée d’un courant de deux nœuds à l’heure.

La voile fut larguée. On dériva lentement vers la terre qui s’estompait en masses grisâtres sur un fond de ciel illuminé par le soleil levant. Les récifs furent adroitement évités et doublés. Mais sous la brise incertaine du large, l’appareil ne semblait pas se rapprocher du rivage. Que de peines pour atteindre cette Nouvelle-Zélande, qu’il était si dangereux d’accoster !

À neuf heures, cependant, la terre restait à moins d’un mille. Les brisants la hérissaient. Elle était très-accore. Il fallut y découvrir un atterrage praticable. Le vent mollit peu à peu et tomba entièrement. La voile inerte battait le mât et le fatiguait. John la fit carguer. Le flot seul portait le radeau à la côte, mais il avait fallu renoncer à le gouverner, et d’énormes fucus retardaient encore sa marche.

À dix heures, John se vit à peu près stationnaire, à trois encâblures du rivage. Pas d’ancre à mouiller. Allait-il donc être repoussé au large par le jusant ? John, les mains crispées, le cœur dévoré d’inquiétude, jetait un regard farouche à cette terre inabordable.

Heureusement, — heureusement cette fois, — un choc eut lieu. Le radeau s’arrêta. Il venait d’échouer à haute mer, sur un fond de sable à vingt-cinq brasses de la côte.

Glenarvan, Robert, Wilson, Mulrady, se jetèrent à l’eau. Le radeau fut fixé solidement par des amarres sur les écueils voisins. Les voyageuses, portées de bras en bras, atteignirent la terre sans avoir mouillé un pli de leurs robes, et bientôt tous, avec armes et vivres, eurent pris définitivement pied sur ces redoutables rivages de la Nouvelle-Zélande.


CHAPITRE VIII

LE PRÉSENT DU PAYS OÙ L’ON EST.


Glenarvan aurait voulu, sans perdre une heure, suivre la côte et remonter vers Auckland. Mais depuis le matin, le ciel s’était chargé de gros nuages, et vers onze heures, après le débarquement, les vapeurs se con-