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les enfants

et Waipa, la capitale du nouveau royaume. Ce Potatau n’était qu’un vieillard plus astucieux que hardi, mais il avait un premier ministre énergique et intelligent, un descendant de la tribu de ces Ngatihahuas qui habitaient l’isthme d’Auckland avant l’occupation étrangère. Ce ministre, nommé William Thompson, devint l’âme de cette guerre d’indépendance. Il organisa habilement des troupes maories. Sous son inspiration, un chef de Taranaki réunit dans une même pensée les tribus éparses ; un autre chef du Waikato forma l’association du « land league », une vraie ligue du bien public, destinée à empêcher les indigènes de vendre leurs terres au gouvernement anglais ; des banquets eurent lieu, comme dans les pays civilisés qui préludent à une révolution. Les journaux britanniques commencèrent à relever ces symptômes alarmants, et le gouvernement s’inquiéta sérieusement des menées de la « land league. » Bref, les esprits étaient montés, la mine prête à éclater. Il ne manquait plus que l’étincelle, ou plutôt le choc de deux intérêts pour la produire.

— Et ce choc ?… demanda Glenarvan.

— Il eut lieu en 1860, répondit Paganel, dans la province de Taranaki, sur la côte sud-ouest d’Ika-Na-Maoui. Un indigène possédait six cents acres de terre dans le voisinage de New-Plymouth. Il les vendit au gouvernement anglais. Mais quand les arpenteurs se présentèrent pour mesurer le terrain vendu, le chef Kingi protesta, et au mois de mars, il construisit sur les six cents acres en litige un camp défendu par de hautes palissades. Quelques jours après, le colonel Gold enleva ce camp à la tête de ses troupes, et, ce jour même, fut tiré le premier coup de feu de la guerre nationale.

— Les Maoris sont-ils nombreux ? demanda John Mangles.

— La population maorie a été bien réduite depuis un siècle, répondit le géographe. En 1769, Cook l’estimait à quatre cent mille habitants. En 1845, le recensement du protectorat indigène l’abaissait à cent neuf mille. Les massacres civilisateurs, les maladies et l’eau de feu l’ont décimée ; mais dans les deux îles il reste encore quatre-vingt-dix mille naturels, dont trente mille guerriers qui tiendront longtemps en échec les troupes européennes.

— La révolte a-t-elle réussi jusqu’à ce jour ? dit lady Helena.

— Oui, madame, et les Anglais eux-mêmes ont souvent admiré le courage des Néo-Zélandais. Ceux-ci font une guerre de partisans, tentent des escarmouches, se ruent sur les petits détachements, pillent les domaines des colons. Le général Cameron ne se sentait pas à l’aise dans ces campagnes dont il fallait battre tous les buissons. En 1863, après une lutte longue et meurtrière, les Maoris occupaient une grande position fortifiée