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du capitaine grant.

ce plan incliné. À mesure qu’ils le soulevaient, les trépidations du sol s’accusaient plus violemment.

De sourds rugissements de flammes et des sifflements de fournaise couraient sous la croûte amincie. Les audacieux ouvriers, véritables cyclopes maniant les feux de la terre, travaillaient silencieusement. Bientôt, quelques fissures et des jets de vapeur brûlante leur apprirent que la place devenait périlleuse. Mais un suprême effort arracha le bloc, qui glissa sur la pente du mont et disparut.

Aussitôt la couche amincie céda. Une colonne incandescente fusa vers le ciel avec de véhémentes détonations, tandis que des ruisseaux d’eau bouillante et de laves roulaient vers le campement des indigènes et les vallées inférieures.

Tout le cône trembla, et l’on put croire qu’il s’abîmait dans un gouffre sans fond.

Glenarvan et ses compagnons eurent à peine le temps de se soustraire aux atteintes de l’éruption ; ils s’enfuirent dans l’enceinte de l’Oudoupa, non sans avoir reçu quelques gouttes d’une eau portée à une température de quatre-vingts-quatorze degrés. Cette eau répandit d’abord une légère odeur de bouillon, qui se changea bientôt en une odeur de soufre très-marquée.

Alors, les vases, les laves, les détritus volcaniques, se confondirent dans un même embrasement. Des torrents de feu sillonnèrent les flancs du Maunganamu. Les montagnes prochaines s’éclairèrent au feu de l’éruption ; les vallées profondes s’illuminèrent d’une réverbération intense.

Tous les sauvages s’étaient levés, hurlant sous la morsure de ces laves qui bouillonnaient au milieu de leur bivouac. Ceux que le fleuve de feu n’avait pas atteints fuyaient et remontaient les collines environnantes ; puis, ils se retournaient épouvantés, et considéraient cet effrayant phénomène, ce volcan dans lequel la colère de leur dieu abîmait les profanateurs de la montagne sacrée. Et, à de certains moments où faiblissait le fracas de l’éruption, on les entendait hurler leur cri sacramentel :

« Tabou ! tabou ! tabou ! »

Cependant, une énorme quantité de vapeurs, de pierres enflammées et de laves s’échappait de ce cratère du Maunganamu. Ce n’était plus un simple geyser comme ceux qui avoisinent le mont Hécla en Islande, mais le mont Hécla lui-même. Toute cette suppuration volcanique s’était contenue jusqu’alors sous l’enveloppe du cône, parce que les soupapes du Tongariro suffisaient à son expansion ; mais lorsqu’on lui ouvrit une issue nouvelle, elle se précipita avec une extrême véhémence, et cette