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les enfants

ruption. La moitié de la distance qui sépare le lac Taupo de la côte avait été franchie sans mauvaise rencontre, sinon sans fatigue.

Alors apparurent d’immenses et interminables forêts qui rappelaient les forêts australiennes ; mais ici, les kauris remplaçaient les eucalyptus. Bien qu’ils eussent singulièrement usé leur admiration depuis quatre mois de voyage, Glenarvan et ses compagnons furent encore émerveillés à la vue de ces pins gigantesques, dignes rivaux des cèdres du Liban et des « mamouth trees » de la Californie. Ces kauris, en langue de botaniste « des abiétacées damarines, » mesuraient cent pieds de hauteur avant la ramification des branches. Ils poussaient par bouquets isolés, et la forêt se composait, non pas d’arbres, mais d’innombrables groupes d’arbres qui étendaient à deux cents pieds dans les airs leur parasol de feuilles vertes.

Quelques-uns de ces pins, jeunes encore, âgés à peine d’une centaine d’années, ressemblaient aux sapins rouges des régions européennes. Ils portaient une sombre couronne terminée par un cône aigu. Leurs aînés, au contraire, des arbres vieux de cinq ou six siècles, formaient d’immenses tentes de verdure supportées sur les inextricables bifurcations de leurs branches. Ces patriarches de la forêt zélandaise mesuraient jusqu’à cinquante pieds de circonférence, et les bras réunis de tous les voyageurs ne pouvaient pas entourer leur tronc gigantesque.

Pendant trois jours, la petite troupe s’aventura sous ces vastes arceaux et sur un sol argileux que le pas de l’homme n’avait jamais foulé. On le voyait bien aux amas de gomme résineuse entassés, en maint endroit, au pied des kauris, et qui eussent suffi pendant de longues années à l’exportation indigène.

Les chasseurs trouvèrent par bandes nombreuses les kiwis si rares au milieu des contrées fréquentées par les Maoris. C’est dans ces forêts inaccessibles que se sont réfugiés ces curieux oiseaux chassés par les chiens zélandais. Ils fournirent aux repas des voyageurs une abondante et saine nourriture.

Il arriva même à Paganel d’apercevoir au loin, dans un épais fourré, un couple de volatiles gigantesques. Son instinct de naturaliste se réveilla. Il appela ses compagnons, et, malgré leur fatigue, le major, Robert et lui se lancèrent sur les traces de ces animaux.

On comprendra l’ardente curiosité du géographe, car il avait reconnu ou cru reconnaître ces oiseaux pour des « moas », appartenant à l’espèce des « dinormis, » que plusieurs savants rangent parmi les variétés disparues. Or, cette rencontre confirmait l’opinion de M. de Hochstetter et autres voyageurs sur l’existence actuelle de ces géants sans ailes de la Nouvelle-Zélande.