Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/95

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Cependant, ces animaux n’étaient pas les derniers habitants de la montagne. À neuf mille pieds, sur la limite des neiges perpétuelles, vivaient encore, et par troupes, des ruminants d’une incomparable beauté, l’alpaca au pelage long et soyeux, puis cette sorte de chèvre sans cornes, élégante et fière, dont la laine est fine, et que les naturalistes ont nommée vigogne. Mais il ne fallait pas songer à l’approcher, et c’est à peine s’il était donné de la voir ; elle s’enfuyait, on pourrait dire à tire-d’aile, et glissait sans bruit sur les tapis éblouissants de blancheur.

À cette heure, l’aspect des régions était entièrement métamorphosé. De grands blocs de glace éclatants, d’une teinte bleuâtre dans certains escarpements, se dressaient de toutes parts et réfléchissaient les premiers rayons du jour. L’ascension devint très-périlleuse alors. On ne s’aventurait plus sans sonder attentivement pour reconnaître les crevasses. Wilson avait pris la tête de la file, et du pied il éprouvait le sol des glaciers. Ses compagnons marchaient exactement sur les empreintes de ses pas, et évitaient d’élever la voix, car le moindre bruit, agitant les couches d’air, pouvait provoquer la chute des masses neigeuses suspendues à sept ou huit cents pieds au-dessus de leur tête.



Ils étaient alors parvenus à la région des arbrisseaux, qui, deux cent cinquante toises plus haut, cédèrent la place aux graminées et aux cactus. À onze mille pieds, ces plantes elles-mêmes abandonnèrent le sol aride, et toute trace de végétation disparut. Les voyageurs ne s’étaient arrêtés qu’une seule fois, à huit heures, pour réparer leurs forces par un repas sommaire, et, avec un courage surhumain, ils reprirent l’ascension, bravant des dangers toujours croissants. Il fallut enfourcher des arêtes