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le sous-sol du royaume-uni

l’étage inférieur, puis les terrains tertiaires, et au-dessus, le terrain des alluvions anciennes et modernes.

À cette époque, les eaux, qu’aucun lit ne retenait encore et que la condensation engendrait sur tous les points du globe, se précipitaient en arrachant aux roches, à peine formées, de quoi composer les schistes, les grès, les calcaires. Elles arrivaient au dessus des forêts tourbeuses et déposaient les éléments de ces terrains qui allaient se superposer au terrain houiller. Avec le temps, — des périodes qui se chiffrent par millions d’années, — ces terrains se durcirent, s’étagèrent et enfermèrent sous une épaisse carapace de poudingues, de schistes, de grès compacts ou friables, de gravier, de cailloux, toute la masse des forêts enlisées.

Que se passa-t-il dans ce creuset gigantesque, où s’accumulait la matière végétale, enfoncée à des profondeurs variables ? Une véritable opération chimique, une sorte de distillation. Tout le carbone que contenaient ces végétaux s’agglomérait, et peu à peu la houille se formait sous la double influence d’une pression énorme et de la haute température que lui fournissaient les feux internes, si voisins d’elle à cette époque.

Ainsi donc un règne se substituait à l’autre dans cette lente, mais irrésistible réaction. Le végétal se transformait en minéral. Toutes ces plantes, qui avaient vécu de la vie végétative sous l’active sève des premiers jours, se pétrifiaient. Quelques-unes des substances enfermées dans ce vaste herbier, incomplètement déformées, laissaient leur empreinte aux autres produits plus rapidement minéralisés, qui les pressaient comme eût fait une presse hydraulique d’une puissance incalculable. En même temps, des coquilles, des zoophytes, tels qu’étoiles de mer, polypiers, spirifères, jusqu’à des poissons, jusqu’à des lézards, entraînés par les eaux, laissaient sur la houille, tendre encore, leur impression nette et comme « admirablement tirée[1] ».

La pression semble avoir joué un rôle considérable dans la formation des gisements carbonifères. En effet, c’est à son degré de puissance que sont dues les diverses sortes de houilles dont l’industrie fait usage. Ainsi, aux plus basses couches du terrain houiller apparaît l’anthracite, qui, presque entièrement dé-


  1. Il faut, d’ailleurs, remarquer que toutes ces plantes, dont les empreintes ont été retrouvées, appartiennent aux espèces aujourd’hui réservées aux zones équatoriales du globe. On peut donc en conclure que, à cette époque, la chaleur était égale sur toute la terre, soit qu’elle y fût apportée par des courants d’eaux chaudes, soit que les feux intérieurs se fissent sentir à sa surface à travers la croûte poreuse. Ainsi s’explique la formation de gisements carbonifères sous toutes les latitudes terrestres.