Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/20

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vert, le Kaw-djer lava les blessures et en étancha le sang. Il rapprocha ensuite les lèvres des plaies, qui furent recouvertes par des tampons de charpie imbibée du contenu de l’un des flacons, puis, détachant sa ceinture de laine, il en entoura la poitrine de l’indigène, de manière à maintenir tout le pansement.

Le malheureux survivrait-il ? Le Kaw-djer ne le pensait pas. Aucun remède ne pourrait sans doute provoquer la cicatrisation de ces déchirures, qui semblaient intéresser jusqu’à l’estomac et jusqu’aux poumons.

Karroly, profitant de ce que les yeux du blessé venaient de se rouvrir, demanda :

« Où est ta tribu ?…

— Là… là…, murmura l’indigène, en indiquant de la main la direction de l’Est.

— Ce doit être, à huit ou dix milles d’ici, sur la rive du canal, dit le Kaw-djer, ce campement dont nous avons aperçu les feux la nuit dernière. »

Karroly approuva de la tête.

« Il n’est que quatre heures, ajouta le Kaw-djer, mais le flot va bientôt monter. Nous ne pourrons partir qu’au soleil levant…

— Oui », dit Karroly.

Le Kaw-djer reprit :

« Halg et toi, vous allez transporter cet homme et vous l’étendrez dans la barque. Nous ne pouvons rien de plus pour lui. »

Karroly et son fils se mirent en devoir d’obéir. Chargés du blessé, ils commencèrent à descendre vers la grève. L’un d’eux reviendrait ensuite chercher le jaguar, dont la dépouille se vendrait cher aux trafiquants étrangers.

Pendant que ses compagnons s’acquittaient de cette double besogne, le Kaw-djer s’éloigna de quelques pas et escalada l’un des rochers qui dentelaient la falaise. De là, son regard rayonnait vers tous les points de l’horizon.

À ses pieds, se découpait un littoral capricieusement dessiné, qui formait la limite nord d’un canal large de plusieurs lieues. La rive opposée, que des bras de mer échancraient à perte de vue, s’estompait en vagues linéaments, semis d’îles et d’îlots qui semblaient des vapeurs dans le lointain. Ni à l’Est, ni à l’Ouest on n’apercevait les extrémités de ce canal, le long duquel courait la haute et puissante falaise.