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X

cinq ans après.

Cinq ans après les événements qui viennent d’être racontés, la navigation dans les parages de l’île Hoste ne présentait plus les difficultés ni les dangers d’autrefois. À l’extrémité de la presqu’île Hardy, un feu lançait au large ses multiples éclats, non pas un feu de Pêcherais tel que ceux des campements de la terre fuégienne, mais un vrai phare éclairant les passes et permettant d’éviter les écueils pendant les sombres nuits de l’hiver.

Par contre, celui que le Kaw-djer projetait d’élever au cap Horn n’avait reçu aucun commencement d’exécution. Depuis six ans, il poursuivait en vain la solution de cette affaire avec une inlassable persévérance, sans arriver à la faire aboutir. D’après les notes échangées entre les deux gouvernements, il semblait que le Chili ne pût se résigner à l’abandon de l’îlot du cap Horn et que cette condition essentielle posée par le Kaw-djer fût un obstacle invincible.

Celui-ci s’étonnait fort que la République Chilienne attachât tant d’importance à un rocher stérile dénué de la moindre valeur. Il aurait eu plus de surprise encore s’il avait connu la vérité, s’il avait su que la longueur démesurée des négociations était due, non à des considérations patriotiques, défendables en somme, fussent-elles erronées, mais simplement à la légendaire nonchalance des bureaux.

Les bureaux chiliens se comportaient dans cette circonstance comme tous les bureaux du monde. La diplomatie a pour coutume séculaire de faire traîner les choses, d’abord parce que l’homme s’inquiète assez mollement, d’ordinaire, des affaires