Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/495

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— Instructions qui consistent ?…

— À installer sur l’île Hoste une garnison, qui, sous votre haute autorité et sous mon commandement direct, devra coopérer au rétablissement et au maintien de l’ordre.

— Fort bien ! dit le Kaw-djer. Mais, si je m’opposais par hasard à l’établissement de cette garnison ?… Vos instructions ont-elles prévu le cas ?

— Oui, monsieur le Gouverneur.

— Quelles sont-elles, dans cette hypothèse ?

— De passer outre.

— Par la force ?

— Au besoin par la force, mais je veux espérer que je n’en serai pas réduit à cette extrémité.

— Voilà qui est net, approuva le Kaw-djer sans s’émouvoir. À vrai dire, je m’attendais un peu à quelque chose de ce genre… N’importe ! la question est clairement posée. Vous admettrez, toutefois, que, dans une matière aussi grave, je ne veuille pas agir à la légère, et vous souffrirez par conséquent, je pense, que je prenne le temps de la réflexion.

— J’attendrai donc, monsieur le Gouverneur, répondit l’officier, que vous me fassiez connaître votre décision.

Ayant de nouveau salué militairement, il pivota sur ses talons et se dirigea vers la porte. Mais cette porte était fermée et résista à ses efforts. Il se retourna vers le Kaw-djer.

— Suis-je tombé dans un guet-apens ? demanda-t-il d’un ton nerveux.

— Vous me permettrez de trouver la question plaisante, répondit ironiquement le Kaw-djer. Quel est celui de nous qui s’est rendu coupable d’un guet-apens ? Ne serait-ce pas celui qui, en pleine paix, a envahi, les armes à la main, un pays ami ?

L’officier rougit légèrement.

— Vous connaissez, monsieur le Gouverneur, dit-il avec une gêne évidente, la raison de ce qu’il vous plaît d’appeler une invasion. Ni mon gouvernement, ni moi-même ne pouvons être responsables de votre interprétation d’un événement des plus simples.

— En êtes-vous sûr ? répliqua le Kaw-djer de sa voix tranquille. Oseriez-vous donner votre parole d’honneur que la République du Chili ne poursuit aucun but autre que le but