Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/82

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venir en aide à Dick, dont il avait admiré le courage, il lui proposa de le prendre comme mousse sur le Josuah Brener, trois-mâts carré à bord duquel il était alors embarqué. Mais, au premier mot, Dick avait posé cette condition sine qua non que Sand serait pris avec lui. Il fallut de gré ou de force en passer par là, et, depuis lors, Hartlepool n’avait plus quitté les deux inséparables qui l’avaient suivi du Josuah Brener sur le Jonathan. Il s’était fait leur professeur et leur avait appris à lire et à écrire, c’est-à-dire à peu près tout ce qu’il savait lui-même. Ses bienfaits, du reste, étaient tombés dans un bon terrain. Il n’avait jamais eu qu’à se louer des deux enfants qui éprouvaient pour lui une reconnaissance passionnée. Certes, chacun d’eux avait son caractère ; l’un colère, susceptible, batailleur, toujours prêt à se mesurer contre n’importe qui et n’importe quoi, l’autre silencieux, doux, effacé, craintif ; l’un protecteur, l’autre protégé ; mais tous deux montrant le même cœur à l’ouvrage, ayant la même conscience du devoir, la même affection pour leur grand ami commun, le maître d’équipage Hartlepool.

C’est de telles recrues que s’augmenta le personnel de l’excursion.

Le 28 mars, on se mit en route dès les premières heures du matin. On n’avait pas la prétention d’explorer toute l’île Hoste, mais seulement la partie avoisinant le campement. On passa d’abord par-dessus les crêtes médianes de la presqu’île Hardy, de manière à en atteindre la côte occidentale, puis on suivit cette côte en remontant vers le Nord, afin de revenir au campement par le littoral opposé, en traversant la région sud de l’île proprement dite.

Dès le début de la promenade, on eut l’impression qu’il ne fallait pas juger le pays d’après l’aspect rébarbatif du lieu de l’échouage, et cette impression ne fit que s’accentuer à mesure que l’on gagna vers le Nord. Si la presqu’île Hardy apparaissait rocailleuse et stérile jusqu’aux arides pointes du Faux cap Horn, il n’en était pas ainsi de la contrée verdoyante dont les hauteurs se profilaient au Nord-Ouest.

De vastes prairies, au pied de collines boisées, succédaient, dans cette direction, aux roches tapissées de goémons, aux ravins hérissés de bruyères. Là, s’entremêlaient les doronics à fleurs jaunes et les asters maritimes à fleurs bleues et violettes,