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Page:Verne - Les Tribulations d’un Chinois en Chine.djvu/139

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on réserve une surprise à kin-fo et au lecteur.

partie de la fortune paternelle que si son père en fait l’expresse déclaration. Ces conditions sont ordinairement réglées par des intermédiaires qu’on appelle « mei-jin », et le mariage n’est décidé que lorsque tout est bien convenu à cet égard.

La jeune fiancée est alors présentée aux parents du mari. Celui-ci ne la voit pas. Il ne la verra qu’au moment où elle arrivera en chaise fermée à la maison conjugale. À cet instant, on remet à l’époux la clef de la chaise. Il en ouvre la porte. Si sa fiancée lui agrée, il lui tend la main ; si elle ne lui plait pas, il referme brusquement la porte, et tout est rompu, à la condition d’abandonner les arrhes aux parents de la jeune fille.

Rien de pareil ne pouvait advenir dans le mariage de Kin-Fo. Il connaissait la jeune femme, il n’avait à l’acheter de personne. Cela simplifiait beaucoup les choses.

Le 25 juin arriva enfin. Tout était prêt.

Depuis trois jours, suivant l’usage, la maison de Lé-ou restait illuminée à l’intérieur. Pendant trois nuits, Mme Lutalou, qui représentait la famille de la future, avait dû s’abstenir de tout sommeil, une façon de se montrer triste au moment où la fiancée va quitter le toit paternel. Si Kin-Fo avait encore eu ses parents, sa propre maison se fût également éclairée en signe de deuil, « parce que le mariage du fils est censé devoir être regardé comme une image de la mort du père, et que le fils alors semble lui succéder », dit le Hao-Khiéou-Tchouen.

Mais, si ces us ne pouvaient s’appliquer à l’union de deux époux absolument libres de leurs personnes, il en était d’autres dont on avait dû tenir compte.

Ainsi, aucune des formalités astrologiques n’avait été négligée. Les horoscopes, tirés suivant toutes les règles, marquaient une parfaite compatibilité de destinées et d’humeur. L’époque de l’année, l’âge de la lune se montraient favorables. Jamais mariage ne s’était présenté sous de plus rassurants auspices.

La réception de la mariée devait se faire à huit heures du soir à l’hôtel du « Bonheur Céleste », c’est-à-dire que l’épouse allait être conduite en grande pompe au domicile de l’époux. En Chine, il n’y a comparution ni devant un magistrat civil, ni devant un prêtre, bonze, lama ou autre.

À sept heures, Kin-Fo, toujours accompagné de Craig et Fry, qui rayonnaient comme les témoins d’une noce européenne, recevait ses amis au seuil de son appartement.