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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

quelle les brouillards, la pluie, la neige et les blocs énormes de glace flottante le forcèrent à renoncer, — Cook reprit la route du nord, convaincu qu’il ne laissait aucune grande terre derrière lui, et il regagna la Nouvelle-Zélande, où il avait donné rendez-vous à l’Aventure, en cas de séparation.

Le 25 mars, il mouillait dans la baie Dusky, après cent soixante-dix jours de mer consécutifs, pendant lesquels il n’avait pas fait moins de trois mille six cent soixante lieues, sans voir la terre une seule fois.

Aussitôt qu’il eut trouvé un mouillage commode, le commandant s’empressa de prodiguer à son équipage les nombreuses ressources que fournissait le pays en volailles, poissons et végétaux, tandis que lui-même parcourait, le plus souvent la sonde à la main, les environs de la baie, où il ne rencontra qu’un petit nombre d’indigènes, avec lesquels il n’eût que des rapports peu fréquents. Cependant, une famille, se familiarisant un peu, s’établit à cent pas de l’aiguade. Cook lui fit donner un concert, où le fifre et la cornemuse rivalisèrent sans succès, les Néo-Zélandais donnant la palme au tambour.

Le 18 avril, un chef se rendit à bord avec sa fille. Mais, avant d’entrer dans le bâtiment, il en frappa les flancs avec un rameau vert qu’il tenait à la main, et adressa aux étrangers une sorte de harangue ou d’invocation à cadence régulière, — coutume générale chez les insulaires de la mer du Sud. À peine eut-il mis le pied sur le pont, qu’il offrit au commandant une pièce d’étoffe et une hache de talc vert, générosité sans précédent chez les Zélandais.

Le chef visita le navire en détail ; pour témoigner sa reconnaissance au commandant, il plongea ses doigts dans un sac qu’il portait à sa ceinture et voulut lui oindre les cheveux avec l’huile infecte qu’il contenait. Cook eut toutes les peines du monde à se soustraire à cette preuve d’affection, qui n’avait pas eu le don de plaire davantage à Byron dans le détroit de Magellan ; mais le peintre Hodges fut obligé de subir l’opération, à la joie de tout l’équipage. Puis, ce chef disparut pour ne plus revenir, emportant neuf haches et une trentaine de ciseaux de menuisier, dont les officiers lui avaient fait présent. Plus riche que tous les Zélandais réunis, il s’empressa, sans doute, d’aller mettre en sûreté ses trésors, dans la crainte qu’on ne voulût les lui reprendre.

Avant de partir, Cook lâcha cinq oies, les dernières de celles qu’il avait apportées du Cap, pensant qu’elles pourraient se multiplier dans cet endroit peu habité, et il fit défricher un terrain, où il sema quelques graines potagères. C’était travailler à la fois pour les naturels et pour les voyageurs futurs, qui pourraient trouver en ce lieu des ressources précieuses.