Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

plusieurs chefs et nobles personnages, remarquables par leur stature, et dont l’un, tatoué d’une façon singulière, était d’une corpulence énorme. Le roi, qui montrait pour lui beaucoup de déférence, le consultait à tout moment. Cook apprit alors qu’un vaisseau espagnol avait relâché à Taïti, quelques mois auparavant ; il sut plus tard que c’était celui de Domingo Buenechea, qui venait de Callao.

Tandis qu’Etée, le gros confident du roi, s’entretenait avec quelques officiers de matières religieuses, et demandait aux Anglais s’ils avaient un dieu, Waheatua s’amusait avec la montre du commandant. Tout étonné du bruit qu’elle faisait, ce qu’il exprimait en disant : « Elle parle, » il demandait à quoi elle pouvait servir. On lui expliqua qu’elle mesurait le temps et qu’en cela elle ressemblait au soleil. Waheatua lui donna aussitôt le nom de « petit soleil » pour montrer qu’il avait compris l’explication.

Les bâtiments mirent à la voile le 24 au matin, et furent longtemps suivis par une quantité de pirogues, chargées de noix de coco et de fruits. Plutôt que de manquer cette occasion d’acquérir des marchandises d’Europe, les indigènes vendirent leurs denrées très bon marché. Il fut même possible de se procurer une douzaine des plus belles noix de coco pour un seul grain de verre. Cette abondance de rafraîchissements ne tarda pas à ramener la santé à bord des bâtiments, et la plupart des matelots, qui, en arrivant à Osnabruck. pouvaient à peine marcher, allaient et venaient au départ.

Le 26, la Résolution et l’Aventure atteignirent la baie de Matavaï. Une foule de Taïtiens eut bientôt envahi les ponts. Le capitaine les connaissait pour la plupart, et le lieutenant Pickersgill, qui avait accompagné Wallis en 1767 et Cook deux ans plus tard, reçut un accueil particulièrement empressé.

Cook fit dresser les tentes pour les malades, les tonneliers et les voiliers ; puis, il partit pour Oparrée avec le capitaine Furneaux et les deux Forster. L’embarcation qui les portait ne tarda pas à passer devant un moraï de pierre et un cimetière déjà connu sous le nom de moraï de Tootahah. Lorsque Cook le désigna sous ce nom, un des indigènes qui l’accompagnaient l’interrompit en lui disant que, depuis la mort de Tootahah, on l’appelait moraï d’O-Too.

« Belle leçon pour les princes, qu’on fait souvenir ainsi pendant leur vie qu’ils sont mortels, et qu’après leur mort le terrain qu’occupera leur cadavre ne sera pas à eux ! Le chef et sa femme ôtèrent, en passant, leurs vêtements de dessus leurs épaules, marque de respect que donnent les insulaires de tous les rangs devant un moraï, et qui semble attacher à ces lieux une idée particulière de sainteté. »