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SECOND VOYAGE DU CAPITAINE COOK.

En arrivant à Matavaï, Cook apprit que cet armement formidable était destiné à l’attaque d’Eimeo, dont le chef avait secoué le joug de Taïti et s’était rendu indépendant.

Les jours suivants, le capitaine reçut la visite de quelques-uns de ses anciens amis. Tous se montrèrent très désireux de posséder des plumes rouges, qui avaient une valeur considérable. Une seule formait un présent très supérieur à un grain de verre et à un clou. L’empressement était tel de la part des Taïtiens, qu’ils offrirent en échange ces singuliers habits de deuil qu’ils avaient refusé de vendre pendant le premier voyage de Cook.

« Ces vêtements, composés des productions les plus rares de l’île et de la mer qui l’environne, et travaillés avec un soin et une adresse extrêmes, doivent être, parmi eux, d’un prix considérable. Nous n’en achetâmes pas moins de dix, qu’on a rapportés en Angleterre. »

Œdidi qui avait eu soin de se procurer un nombre considérable de ces plumes, put se passer tous ses caprices. Les Taïtiens le regardaient comme un prodige et semblaient écouter avidement toutes ses histoires. Non seulement les principaux de l’île, mais encore la famille royale, recherchaient sa société. Il épousa la fille du chef de Matavaï et conduisit sa femme à bord, où chacun se plut à lui faire quelque présent. Puis, il se décida à rester à Taïti, où il venait de retrouver sa sœur mariée à un chef puissant.

Malgré les vols, qui troublèrent plus d’une fois ces relations, les Anglais se procurèrent, pendant cette relâche, plus de provisions qu’ils n’avaient fait jusque-là. La vieille Oberea, qui passait pour la reine de l’île, pendant la relâche du Dauphin en 1767, vint elle-même apporter des cochons et des fruits, avec le projet secret de se procurer de ces plumes rouges, qui avaient un si grand succès. On fut très libéral dans les présents, et on amusa les Indiens par des feux d’artifice et des manœuvres militaires.

Le capitaine fut, quelques jours avant son départ, témoin d’une nouvelle revue maritime. O-Too ordonna un simulacre de combat ; mais il dura si peu de temps, qu’il fut impossible d’en suivre toutes les péripéties. Cette flotte devait livrer bataille cinq jours après le départ de Cook, et celui-ci avait envie de rester jusque-là : mais, jugeant que les naturels craignaient qu’il n’écrasât vainqueurs et vaincus, il se décida à partir.

À peine la Résolution était-elle hors de la baie, qu’un aide-canonnier, séduit par les délices de Taïti, et peut-être bien aussi par les promesses d’O-Too, qui comptait qu’un Européen lui procurerait de grands avantages, se jeta à la mer. Mais il ne tarda pas à être repris par une embarcation que Cook dépêcha à sa