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TROISIÈME VOYAGE DU CAPITAINE COOK.

voulait pas cesser ses menaces, Cook lui tira un coup de pistolet chargé à petit plomb. Protégé par une natte épaisse, celui-ci, ne se sentant pas blessé, devint plus audacieux ; mais, plusieurs autres naturels s’avançant, le commandant déchargea son fusil sur celui qui était le plus rapproché et le tua.

Ce fut le signal d’une attaque générale. La dernière fois qu’on aperçut Cook, il faisait signe aux canots de cesser le feu et d’approcher pour embarquer sa petite troupe. Ce fut en vain ! Cook était frappé et gisait sur le sol.

« Les insulaires poussèrent des cris de joie lorsqu’ils le virent tomber, dit la relation ; ils traînèrent tout de suite son corps sur le rivage et, s’enlevant le poignard les uns aux autres, ils s’acharnèrent tous avec une ardeur féroce à lui porter des coups, lors même qu’il ne respirait plus. »

Ainsi périt ce grand navigateur, le plus illustre assurément de ceux qu’a produits l’Angleterre. La hardiesse de ses plans, sa persévérance à les exécuter, l’étendue de ses connaissances, en ont fait le type du véritable marin de découvertes.

Que de services il avait rendus à la géographie ! Dans son premier voyage, il avait relevé les îles de la Société, prouvé que la Nouvelle-Zélande est formée de deux îles, parcouru le détroit qui les sépare et reconnu son littoral ; enfin, il avait visité toute la côte orientale de la Nouvelle-Hollande.

Dans son second voyage, il avait relégué dans le pays des chimères ce fameux continent austral, rêve des géographes en chambre ; il avait découvert la Nouvelle-Calédonie, la Géorgie australe, la terre de Sandwich, et pénétré dans l’hémisphère sud plus loin qu’on n’avait fait avant lui.

Dans sa troisième expédition, il avait découvert l’archipel Hawaï, et relevé la côte occidentale de l’Amérique depuis le 46e degré, c’est-à-dire sur une étendue de plus de 3,500 milles. Il avait franchi le détroit de Behring, et s’était aventuré dans cet océan Boréal, effroi des navigateurs, jusqu’à ce que les glaces lui eussent opposé une barrière infranchissable.

Ses talents de marin n’ont pas besoin d’être vantés ; ses travaux hydrographiques sont restés ; mais, ce qu’il faut surtout apprécier, ce sont les soins dont il sut entourer ses équipages, et qui lui permirent d’accomplir ces rudes et longues campagnes en ne faisant que des pertes insignifiantes.

À la suite de cette fatale journée, les Anglais consternés plièrent leurs tentes et rentrèrent à bord. Vainement firent-ils des tentatives et des offres pour se faire rendre le corps de leur infortuné commandant. Dans leur colère, ils allaient recourir aux armes, lorsque deux prêtres, amis du lieutenant King, rapportèrent, à l’insu des autres chefs, un morceau de chair humaine, qui