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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIECLE.

prendre connaissance de la terre, le 31 mars, par 36° 30’ de latitude. Il prolongea alors la côte, et, malgré les vents contraires, remonta dans le nord jusqu’aux îles des Trois-Rois. Il n’y avait pas moyen d’y aborder. Il fallut donc rallier la grande terre, et l’ancre fut jetée auprès du cap Maria-Van-Diemen, extrémité la plus septentrionale de la Nouvelle-Zélande. Le mouillage était mauvais, comme il fut facile de s’en apercevoir, et, après diverses tentatives, Marion s’arrêta, le 11 mai, à la baie des îles de Cook.

Des tentes furent dressées dans une des îles, où l’on trouva du bois et de l’eau, et les malades y furent installés sous la garde d’un fort détachement. Les naturels vinrent aussitôt à bord, quelques-uns même y couchèrent, et les échanges, facilités par l’usage d’un vocabulaire de Taïti, se firent bientôt sur une grande échelle.

« Je remarquai avec étonnement, dit Crozet, parmi les sauvages qui vinrent à bord des vaisseaux dès les premiers jours, trois espèces d’hommes, dont les uns, qui paraissaient les vrais indigènes, sont d’un blanc tirant sur le jaune ; ceux-ci sont les plus grands, et leur taille ordinaire est de cinq pieds neuf à dix pouces, leurs cheveux noirs sont lisses et plats ; des hommes plus basanés et un peu moins grands, les cheveux un peu crépus ; enfin de véritables nègres à têtes cotonnées et moins grands que les autres, mais en général plus larges de poitrine. Les premiers ont très peu de barbe et les nègres en ont beaucoup. »

Observations curieuses, dont la justesse devait être vérifiée plus tard.

Il est inutile de s’étendre sur les mœurs des Néo-Zélandais, sur leurs villages fortifiés dont Marion donne une minutieuse description, sur leurs armes, leurs vêtements et leur nourriture ; ces détails sont déjà connus des lecteurs.

Les Français avaient trois postes à terre : celui des malades sur l’île Matuaro ; un second sur la grande terre, qui servait d’entrepôt et de point de communication avec le troisième, c’est-à-dire l’atelier des charpentiers, établi à deux lieues plus loin, au milieu des bois. Les gens de l’équipage, séduits par les caresses des sauvages, faisaient de longues courses dans l’intérieur et recevaient partout un cordial accueil. Enfin, la confiance s’établit si bien, que, malgré les représentations de Crozet, Marion ordonna de désarmer les chaloupes et les canots lorsqu’ils iraient à terre. Imprudence impardonnable dans le pays où Tasman avait dû nommer « baie des Assassins » le premier endroit où il eût atterri, où Cook avait trouvé des anthropophages et failli être massacré !

Le 8 juin, Marion descendit à terre, où il fut accueilli avec des démonstrations d’amitié plus grandes encore que d’habitude. On le proclama grand chef du pays, et les naturels lui placèrent dans les cheveux quatre plumes blanches,