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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIECLE.

Jusqu’alors, les montres avaient été examinées séparément et par des commissaires différents. Il s’agissait maintenant de les soumettre, en même temps, aux mêmes épreuves et de voir celles qui en sortiraient victorieuses. Dans ce but, la frégate la Flore fut armée à Brest, et le commandement en fut remis à un officier des plus distingués, à Verdun de la Crenne, qui devait devenir chef d’escadre en 1786. Cadix, Madère, les Salvages, Ténériffe, Gorée, la Martinique, la Guadeloupe, la Dominique et la plupart des petites Antilles, Saint-Pierre, Terre-Neuve, l’Islande, que nos explorateurs eurent quelque peine à trouver, les Féroë, le Danemark et Dunkerque, telles furent les étapes de cette campagne. Le récit que Verdun de la Crenne en publia abonde, comme celui de Fleurieu, en rectifications de tout genre. On y voit avec quel soin et quelle régularité les sondages étaient faits, avec quelle exactitude les côtes étaient relevées. Mais ce qu’on y rencontre non sans un vif intérêt, et ce qui fait défaut à la publication de Fleurieu, ce sont les descriptions du pays, les réflexions critiques sur les mœurs et les usages des différents peuples.

Parmi les informations les plus intéressantes, éparses dans ces deux gros in-4°, il faut citer celles sur les Canaries et leurs anciens habitants, sur les Sérères et les Yolofs, sur l’Islande, sur l’état du Danemark, et les réflexions encore si actuelles de Verdun au sujet du méridien de l’île de Fer.

« C’est le méridien le plus occidental de ces îles, dit-il, que Ptolémée choisit pour premier méridien... Il lui était très facile, sans doute, de choisir pour premier méridien celui d’Alexandrie ; mais ce grand homme conçut qu’un tel choix ne procurerait aucun honneur réel à sa patrie ; que Rome et d’autres villes ambitionneraient, peut-être, cet honneur imaginaire ; que chaque géographe, chaque auteur de relation de voyages, choisissant arbitrairement son premier méridien, cela ne pourrait qu’engendrer de la confusion ou, du moins, de l’embarras dans l’esprit du lecteur... »

On voit que Verdun envisageait de haut cette question du premier méridien, comme le font aujourd’hui tous les esprits véritablement désintéressés. C’est un titre de plus à notre sympathie.

Terminons en disant avec cet auteur : « Les montres sortirent de ces épreuves à leur honneur ; elles avaient supporté le froid et le chaud, l’immobilité et les secousses, tant celles du bâtiment, — lorsqu’il s’était échoué à Antigoa, — que les décharges de l’artillerie ; en un mot, elles ont rempli les espérances que nous avions conçues, elles méritent la confiance des navigateurs, enfin elles sont d’un très bon usage pour la détermination des longitudes en mer. »

La solution du problème était trouvée.