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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

tion de ce jeune ambassadeur de vingt-quatre ans, qui, s’il se connaissait lui-même, ne devait guère connaître les hommes.

Au reste, il faut croire que M. de Choiseul avait conscience de son insuffisance, car il s’entoura de savants et d’artistes sérieux, l’abbé Barthélemy, l’helléniste d’Ansse de Villoison, le poète Delille, le sculpteur Fauvel et le peintre Cassas. Le seul rôle qu’il joua dans la publication de son Voyage pittoresque de la Grèce est celui d’un Mécène.

M. de Choiseul-Gouffier avait engagé, comme secrétaire particulier, un professeur, l’abbé Jean-Baptiste Le Chevalier, qui parlait avec facilité la langue d’Homère. Celui-ci, après un voyage à Londres, où les intérêts personnels de M. de Choiseul l’arrêtèrent assez longtemps pour qu’il eût le temps d’y apprendre l’anglais, partit pour l’Italie, où une grave maladie le retint à Venise pendant sept mois. Il put, alors seulement, rejoindre à Constantinople M. de Choiseul-Gouffier.

Les études de Le Chevalier portèrent principalement sur les champs où fut Troie. Profondément versé dans la connaissance de l’Iliade, Le Chevalier rechercha et crut retrouver toutes les localités désignées dans le poème homérique. Cet ingénieux travail de géographie historique, cette restitution souleva, presque aussitôt son apparition, de nombreuses controverses. Les uns, comme Bryant, déclarèrent illusoires les découvertes de Le Chevalier, par cette bonne raison que Troie et, à plus forte raison, la guerre de Dix Ans n’avaient jamais existé que dans l’imagination de celui qui les avait chantées. Bien d’autres, et presque tous sont Anglais, adoptèrent les conclusions de l’archéologue français. On croyait depuis longtemps la question épuisée, lorsque les découvertes de M. Schliemann sont venues, tout récemment, lui donner un regain d’actualité.

Guillaume-Antoine Olivier, qui parcourut une grande partie de l’orient à la fin du siècle dernier, eut une singulière fortune. Employé par Berthier de Sauvigny à la rédaction d’une statistique de la généralité de Paris, il se vit privé de son protecteur et du prix de ses travaux par les premières fureurs de la Révolution. Cherchant à utiliser ses talents en histoire naturelle loin de Paris, Olivier reçut du ministre Roland une mission pour les portions reculées et peu connues de l’empire ottoman. On lui donna comme associé un naturaliste du nom de Bruguière.

Partis de Paris à la fin de 1792, les deux amis attendirent pendant quatre mois à Marseille qu’on leur eût trouvé un vaisseau convenable, et ils arrivèrent à la fin de mai de l’année suivante à Constantinople, porteurs de lettres