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maître du monde

nie, l’Asie, l’Amérique, l’Europe, cette Icarie aérienne, cet immense domaine de l’atmosphère, que des milliers d’Icariens parcourront dans un prochain avenir ! »

Alors commença cette aventureuse campagne à bord de l’Albatros et, pour son début, au-dessus des vastes territoires du Nord-Amérique. En vain Uncle Prudent et Phil Evans firent-ils entendre des réclamations bien justifiées, elles furent repoussées par Robur, en vertu du droit du plus fort. Ils durent se résigner, ou plutôt céder devant ce droit.

L’Albatros, courant vers l’Ouest, dépassa l’énorme chaîne des Montagnes-Rocheuses, les plaines californiennes ; puis, laissant en arrière San-Francisco, il traversa la zone septentrionale du Pacifique jusqu’à la presqu’île du Kamtchatka. Sous les yeux des passagers de l’aviateur s’étendirent alors les régions du Céleste-Empire, et Pékin, la capitale chinoise, fut aperçue dans sa quadruple enceinte. Enlevé par ses hélices suspensives l’aviateur monta à de plus hautes altitudes, dépassant les cimes de l’Himalaya, ses sommets blancs de neige et ses glaciers étincelants. Cette route vers l’ouest, il n’en dévia pas. Après avoir battu l’air au-dessus de la Perse et de la mer Caspienne, il franchit la frontière européenne, puis les steppes moscovites, en suivant la vallée de la Volga, aperçu de Moscou, aperçu de Pétersbourg, signalé par les habitants de la Finlande, par des pêcheurs de la Baltique. Abordant la Suède au parallèle de Stockholm et la Norvège à la latitude de Christiania, il redescendit vers le sud, plana à mille mètres au-dessus de la France, et s’abaissant sur Paris, il domina la grande capitale d’une centaine de pieds, tandis que ses fanaux projetaient d’éblouissantes gerbes de lumière. Enfin défilèrent l’Italie, avec Florence, Rome et Naples, la Méditerranée qui fut traversée d’un vol oblique. L’aéronef avait atteint les côtes de l’immense Afrique qu’il parcourut depuis le cap Spartel du Maroc jusqu’à l’Égypte, au-dessus de