Page:Verne - Mirifiques aventures de Maître Antifer, Partie II, 1894.djvu/93

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— Au relais de Gardimaou, mon oncle.

— Et quand serons-nous à Bône ?…

— Demain soir. »

Le sombre Malouin retomba dans son silence habituel, ou plutôt sa pensée s’égara à travers ce rêve ininterrompu, qui le promenait des parages du golfe d’Oman aux parages du golfe de Guinée. Puis, elle se fixait sur l’unique point du sphéroïde terrestre qui pût l’intéresser. Et alors, il se disait que d’autres yeux que les siens s’attachaient à ce point, — ceux du banquier Zambuco. En vérité, ces deux êtres de race si différente, d’habitudes si opposées, qui n’auraient jamais dû se rencontrer en ce monde, il semblait qu’ils n’eussent plus qu’une même âme, qu’ils fussent rivés l’un à l’autre comme deux forçats à la même chaîne, avec cette particularité que leur chaîne était d’or.

Cependant les forêts de ficus devenaient de plus en plus épaisses. Çà et là, moins rapprochés, des villages arabes émergeaient de cette verdure glauque dont les ricins teignent leurs fleurs et leurs feuilles. Parfois se développait une de ces surfaces non horizontales qu’on appelle « drèches » lorsqu’elles occupent