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situation difficile.

La question de l’héritage, acquis par la mort de M. Edward Starter, fut également réservée. Mrs. Branican saurait toujours assez tôt qu’elle possédait cette fortune, puisque son mari ne pourrait plus la partager avec elle !

Pendant les quinze jours qui suivirent, Mrs. Branican n’eut aucune communication avec le dehors. M. William Andrew et le docteur Brumley eurent seuls accès près d’elle. Sa fièvre, très intense au début, commençait à diminuer, et ne tarderait probablement pas à disparaître. Autant au point de vue de sa santé que pour n’avoir point à répondre à des questions trop précises, trop embarrassantes, le docteur avait prescrit à la malade un silence absolu. Et, surtout, on évitait devant elle toute allusion au passé, tout ce qui aurait pu lui permettre de comprendre que quatre ans s’étaient écoulés depuis la mort de son enfant, depuis le départ du capitaine John. Pendant quelque temps encore, il importait que l’année 1879 ne fût pour elle que l’année 1875.

D’ailleurs, Dolly n’éprouvait qu’un désir ou plutôt une impatience bien naturelle : c’était de recevoir une première lettre de John. Elle calculait que le Franklin étant sur le point d’arriver à Calcutta, s’il n’y était déjà, la maison Andrew ne tarderait pas à en être avisée par télégramme… Le courrier transocéanique ne se ferait pas attendre… Puis, elle-même, dès qu’elle en aurait la force, écrirait à John… Hélas ! que dirait cette lettre, — la première qu’elle lui aurait adressée depuis leur mariage, puisqu’ils n’avaient jamais été séparés avant le départ du Franklin ?… Oui ! que de tristes choses renfermerait cette première lettre !

Et alors se reportant vers le passé, Dolly s’accusait d’avoir causé la mort de son enfant !… Cette néfaste journée du 31 mars revenait à son souvenir !… Si elle eût laissé le petit Wat à Prospect-House, il vivrait encore !… Pourquoi l’avait-elle emmené lors de cette visite au Boundary ?… Pourquoi avait-elle refusé l’offre du capitaine Ellis, qui lui proposait de rester à bord jusqu’à l’arrivée du navire au quai de San-Diégo ?… L’effroyable malheur ne fût pas arrivé !… Et aussi pour-