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mistress branican.

Ces aborigènes, dont quelques-uns présentent de remarquables types, hauts de taille, sculpturalement proportionnés, robustes et souples, d’un tempérament infatigable, méritent d’être observés. Pour la plupart, ils sont caractérisés par cette conformation, spéciale aux races sauvages, de l’angle facial déprimé ; ils ont la crête des sourcils proéminente, la chevelure ondulée sinon crépue, un front étroit qui fuit sous ses boucles, le nez épaté à larges narines, la bouche énorme à forte denture comme celle des fauves. Quant aux gros ventres, aux membres grêles, cette difformité de nature ne se remarque pas chez les échantillons qu’on vient de citer — ce qui est une exception assez rare parmi les nègres australiens.

D’où sont issus les indigènes de cette cinquième partie du monde ? Existait-il autrefois, ainsi que plusieurs savants — trop savants peut-être ! — ont prétendu l’établir, un continent du Pacifique, dont il ne reste que les sommets sous forme d’îles, dispersées à la surface de ce vaste bassin ? Ces Australiens sont-ils les descendants des nombreuses races qui peuplèrent ce continent à une époque reculée ? De telles théories demeureront vraisemblablement à l’état d’hypothèses. Mais, si l’explication était admise, il faudrait en conclure que la race autochtone a singulièrement dégénéré au moral autant qu’au physique. L’Australien est resté sauvage de mœurs et de goûts, et, par ses habitudes indéracinables de cannibalisme, — au moins chez certaines tribus, — il est au dernier degré de l’échelle humaine, presque au rang des carnassiers. Dans un pays où il ne se rencontre ni lions, ni tigres, ni panthères, on pourrait dire qu’il les remplace au point de vue anthropophagique. Ne cultivant pas le sol qui est ingrat, à peine vêtu d’une loque, manquant des plus simples ustensiles de ménage, n’ayant que des armes rudimentaires, la lance à pointe durcie, la hache de pierre, le « nolla-nolla », sorte de massue en bois très dur, et le fameux « boomerang » que sa forme hélicoïdale oblige à revenir en arrière après qu’il a été projeté par une main vigoureuse — le noir australien, on le répète, est un sauvage dans toute l’acception du mot.