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de fourrés impénétrables, où domine la prolifique famille des acacias. Sur les bords des ruisseaux se dressaient des groupes de casuarinas, aussi dépouillés de feuilles que si le vent d’hiver eût secoué leurs branches. À l’entrée des gorges poussaient quelques-uns de ces calebassiers, dont le tronc s’évase en forme de bouteille, et que les Australiens nomment « bottle-trees ». À la façon de l’eucalyptus, qui vide un puits lorsque ses racines y plongent, le calebassier pompe toute l’humidité du sol, et son bois spongieux en est tellement imprégné que l’amidon qu’il contient peut servir à la nourriture des bestiaux.

Les marsupiaux vivaient en assez grand nombre sous ces brigalows-scrubs, entre autres les wallabys si rapides à la course que le plus souvent les indigènes, lorsqu’ils veulent s’en emparer, sont contraints de les enfermer dans un cercle de flamme en mettant le feu aux herbes. En de certains endroits abondaient les kangourous-rats, et ces kangourous géants, que les blancs ne poursuivent guère que par plaisir cynégétique, car il faut être nègre — et nègre australien — pour consentir à se nourrir de leur chair coriace. Tom Marix et Godfrey ne parvinrent à frapper d’une balle que deux ou trois couples de ces animaux, dont la vitesse égale celle d’un cheval au galop. Il faut dire que la queue de ces kangourous fournit un potage excellent, dont chacun apprécia les qualités au repas du soir.

Cette nuit-là, il y eut une alerte. Le campement fut troublé par une de ces invasions de rats, comme il ne s’en voit qu’en Australie, à l’époque où émigrent ces rongeurs. Personne n’aurait pu dormir, sans risquer d’être déchiqueté, et on ne dormit pas.

Mrs. Branican et ses compagnons repartirent le lendemain, 22 octobre, en maudissant ces vilaines bêtes. Au coucher du soleil, la caravane avait atteint les dernières ramifications des Mac-Donnell-Ranges. Le voyage allait désormais s’effectuer dans des conditions infiniment plus favorables. Encore une quarantaine de milles, et la première partie de la campagne prendrait fin à la station d’Alice-Spring.

Le 23 l’expédition eut à parcourir d’immenses plaines se dé-