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mistress branican.

famille, qui ont été élevés à Wat-House… Godfrey est comme un frère de mon petit Wat…

— Je sais… je sais, Dolly, a répliqué Len Burker, et je vous comprends dans une certaine mesure. Fasse le ciel que vous n’ayez pas à vous repentir d’un acte où votre sensibilité a plus de part que votre raison.

— Je n’aime pas à vous entendre parler ainsi, Len Burker, ai-je repris avec vivacité. De telles observations me blessent. Qu’avez-vous à reprocher à Godfrey ?…

— Oh ! rien… rien jusqu’ici. Mais, qui sait… plus tard… peut-être voudra-t-il abuser de votre affection un peu trop prononcée à son égard ?… Un enfant trouvé… on ne sait d’où il vient… ce qu’il est… quel sang coule dans ses veines…

— C’est le sang de braves et honnêtes gens, j’en réponds ! me suis-je écriée. À bord du Brisbane, il était aimé de tous, de ses chefs et de ses camarades, et, d’après ce que m’a dit le capitaine, Godfrey n’a jamais encouru un seul reproche ! Zach Fren, qui s’y connaît, l’apprécie comme moi ! Me direz-vous, Len Burker, pourquoi vous n’aimez pas cet enfant ?…

— Moi… Dolly !… Je ne l’aime ni ne l’aime pas… Il m’est indifférent, voilà tout. Quant à mon amitié, je ne la donne pas ainsi au premier venu, et je ne pense qu’à John, à l’arracher aux indigènes… »

Si c’est une leçon que Len Burker a voulu me donner, je ne l’accepte pas ; elle porte à faux. Je n’oublie pas mon mari pour cet enfant ; mais je suis heureuse de penser que Godfrey aura joint ses efforts aux miens. J’en suis certaine, John approuvera ce que j’ai fait et ce que je compte faire pour l’avenir de ce jeune garçon.

Lorsque j’ai rapporté cette conversation à Jane, la pauvre femme a baissé la tête et n’a rien répondu.

À l’avenir, je n’insisterai plus. Jane ne veut pas, elle ne peut pas donner tort à Len Burker. Je comprends cette réserve ; c’est son devoir.

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