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mistress branican.

Mais ce qui suffisait à nourrir les hommes ne suffisait pas à nourrir les animaux. Aussi, dans la matinée du 26, l’un des chameaux qui servait au transport des malades tomba-t-il lourdement sur le sol. Il fallut l’abandonner sur place, car il n’aurait pu se remettre en marche.

À Tom Marix revint la tâche de l’achever d’une balle dans la tête. Puis, ne voulant rien perdre de cette chair, qui représentait plusieurs jours de nourriture, bien que la bête fût extrêmement amaigrie par les privations, il s’occupa de la dépecer, suivant la méthode australienne.

Tom Marix n’ignorait pas que le chameau peut être utilisé dans son entier et servir à l’alimentation. Avec les os et une partie de la peau qu’il fit bouillir dans l’unique récipient qui lui restait, il obtint un bouillon, qui fut bien reçu de ces estomacs affamés. Quant à la cervelle, à la langue, aux joues de l’animal, ces morceaux, convenablement préparés, fournirent une nourriture plus solide. De même, la chair, coupée en lanières minces, et rapidement séchée au soleil, fut conservée, ainsi que les pieds, qui forment la meilleure partie de la bête. Ce qui était très regrettable, c’est que le sel faisait défaut, car cette chair salée se fût conservée plus facilement.

Le voyage se continuait dans ces conditions, à raison de quelques milles par jour. Par malheur, l’état des malades ne s’améliorait pas, faute de remèdes, sinon faute de soins. Tous n’arriveraient pas à ce but auquel tendaient les efforts de Mrs. Branican, à cette rivière Fitz-Roy, où les misères seraient peut-être atténuées dans une certaine mesure !

Et en effet, le 28 mars, puis le lendemain 29, les deux blancs succombèrent aux suites d’un épuisement trop prolongé. C’étaient des hommes originaires d’Adélaïde, l’un ayant à peine vingt-cinq ans, l’autre plus âgé d’une quinzaine d’années, et la mort vint les frapper l’un et l’autre sur cette route du désert australien.

Pauvres gens ! c’étaient les premiers qui périssaient à la tâche,